Alors que l’échéance de la primaire de la droite se rapproche, Nicolas Dupont-Aignan s’exprime, dans cette interview, sur ce qu’il pense de ce scrutin, mais également sur sa candidature à la présidentielle 2017, et le détail de son programme qui se veut surprenant et concret.
Atlantico : Vous avez affirmé sur BFM TV que vous pouviez “bouleverser la présidentielle”. Qu’entendiez-vous par là ? Entre le FN et les Républicains, quelle sera votre place ?
Nicolas Dupont-Aignan : Aux dernières élections régionales, 20 millions de Français se sont abstenus. Ils ont refusé, à juste titre, le faux choix entre d’un côté des partis du système qui se succèdent depuis vingt ans au pouvoir et ont ruiné le pays, et de l’autre le Front national qui n’a pas de solutions à la hauteur de sa protestation.
Grâce à ma candidature, les Français vont entendre une autre voix patriotique. Un projet de bon sens avec un programme sérieux, équilibré et serein.
Dans tous les déplacements que j’effectue, de très nombreux Français me disent “Enfin, il existe une autre offre politique !”. Mon projet est ordonné autour de trois axes : ordre, justice sociale, et vision à long-terme.
Par ailleurs, les personnalités que je rassemble, les valeurs que je défends, correspondent exactement à ce qu’attendent les Français. Regardez ce qui se passe avec Trump aux Etats-Unis. Quand les abstentionnistes se réveillent, tout peut arriver !
Comment comptez-vous fédérer cette droite “hors-les-murs”, celle qui refuse aujourd’hui les partis traditionnels et est tentée de voter FN en 2017 ?
Je veux nettoyer la politique, relever la France, et améliorer concrètement la vie quotidienne des Français.
Je propose, par exemple, que toute personne qui veut se présenter à une élection ait un casier judiciaire vierge. Il y a une nécessité en la matière d’un bon coup de balai, et les gens sont donc en quête de personnalités “vraies”. J’ai constaté, par ailleurs, que tous les maires membres de Debout la France qui me soutiennent sont élus à plus de 70% des voix. Ce n’est pas un hasard : ce sont des gens qui ont fait leurs preuves sur le terrain.
Le deuxième point très important est la volonté de remettre la France debout – je n’ai pas choisi ce nom de Debout la France par hasard – car les Français ne supportent plus l’humiliation collective. Cette humiliation est générale. La France ne doit plus avoir honte d’elle-même et doit se faire respecter. La crise identitaire est une réalité, mais ce n’est pas une identité renfermée : les Français veulent juste être à nouveau fiers d’eux-mêmes.
Le troisième point est l’urgence de trouver des solutions concrètes de bon sens. Les Français veulent une rupture qui soit sérieuse et solide. C’est ce qui me différencie du Front national. Notamment mon programme économique, beaucoup plus réaliste, plus propice à la libération des énergies, et qui n’a rien de collectiviste. L’enjeu est de débrider le moteur économique français en incitant à la création de richesses sur notre sol. Bref, je vais surprendre avec les solutions concrètes que je propose dans tous les domaines.
Vous n’êtes pas seul à vous positionner entre le FN et les Républicains, depuis qu’Henri Guaino s’est déclaré. Vous l’aviez alors félicité d’avoir refusé de participer aux primaires, “une escroquerie totale” selon vos propres mots. N’êtes-vous pas un anti-primaire ? N’y aurait-il pas eu un intérêt pour vous à participer à ce genre de consultation, propice au débat ?
La primaire est une escroquerie. Vous l’avez constaté, toute personne véritablement différente est de fait exclue de la primaire. Ils ont rattrapé Madame Kosciusko-Morizet, qui n’avait pas ses parrainages, pour amuser la galerie. Mais ils n’ont pas rattrapé Henri Guaino ou Hervé Mariton.
Le projet est déjà arrêté, nous le connaissons, c’est celui qui a d’ailleurs été appliqué pendant dix ans, de 2002 à 2012 avec les résultats connus : plus de dettes, plus d’impôts, plus d’immigration. C’est ce bilan qui a fait élire François Hollande à la tête du pays ! La primaire ne consiste qu’à choisir l’emballage d’un même contenu.
Il n’y a plus aucune inventivité, aucune projection dans l’avenir. Les Républicains sont à cours d’idée.
Ils ne veulent pas revenir sur le contrôle des frontières, or c’est le seul moyen de lutter contre l’immigration. Ils ne veulent pas revenir sur la concurrence déloyale des travailleurs détachés, ni mettre en place une vraie politique du “Fabriqué en France” et concentrer les aides sur ceux qui investissent en France. En somme, ils n’ont pas compris que l’époque avait changé. Ils ne se projettent pas à trente ans, comme moi, sur la reconquête scientifique. Ils n’ont pas d’ambition pour le pays, si ce n’est de reproduire les défiscalisations qu’ils avaient mises en place il y a quinze ans.
C’est pourquoi il n’est pas surprenant, en regardant les sondages, de constater que les gens pensent majoritairement que ces politiciens ne feraient pas mieux. Plus personne ne croit en la parole publique de ceux qui ont mis la France dans cet état-là.
Le choix qu’on nous impose est entre un socialiste mou et défaitiste, et une droite qui n’a pas compris que le monde avait changé. D’ailleurs, les candidats des Républicains passent leur temps à s’entretuer au lieu de combattre les socialistes. Avec ma candidature et celle d’Emmanuel Macron, cette primaire est en train de prendre un coup de vieux car les Français ne veulent pas revoir au pouvoir ceux qui ont échoué depuis trente ans. La seule primaire qui vaille, c’est le premier tour de l’élection présidentielle.
Vous rejetez souvent l’étiquette qui vous place entre le FN et les Républicains : pourquoi ?
Je suis gaulliste et je m’adresse à tous les Français quelles que soient leurs couleurs politiques. Mes électeurs viennent de partout, du centre droit, du centre gauche ou d’ailleurs. Ils veulent tout simplement un coup de balai politique et des réponses concrètes à leurs problèmes de vie quotidienne : chômage, pauvreté, insécurité, faillite de l’école publique ou du système hospitalier.
Pourquoi Henri Guaino, qui a donc semble-t-il fait le même choix que le vôtre, partage de nombreuses convictions avec vous, et se définit lui aussi comme gaulliste, refuse-t-il pour l’instant de joindre sa campagne à la vôtre ?
Demandez-lui ! Je l’ai entendu dire qu’il défendait la même chose que moi mais qu’il entendait le faire avec ses mots. Il me semble qu’il est dommage de diviser pour des mots, si le fond est le même. J’ai fait ce choix de rupture, il y a dix ans parce que j’avais un désaccord fondamental sur l’Europe. Rien ne pourra se faire si l’on ne change pas la politique européenne. Henri Guaino le comprend enfin maintenant : c’est intéressant et je pense que cela va mûrir chez lui.
A propos de libre-circulation, vous avez alerté sur l’absence de contrôle des djihadistes récemment : qu’en est-il ?
Aujourd’hui, les djihadistes reviennent de Syrie en grand nombre, et ils ne sont pas arrêtés. C’est un fait que je vous certifie. Il est surréaliste qu’au nom d’un pseudo Etat de droit, on laisse des bombes volantes libres de circuler dans le pays jusqu’au prochain attentat.
Ce que je propose est simple. Toute personne ayant combattu en Syrie et revenant en France, si celle-ci est étrangère, est expulsée ; si l’individu est binational il est déchu de sa nationalité française et expulsé ; s’il est Français, il est incarcéré.
Vous étiez hier à Savines-le-Lac dans les Hautes-Alpes, sur le terrain, pour discuter des problèmes que peuvent rencontrer les habitants de cette région. Que faut-il dire pour convaincre les désabusés, ceux qui ne croient plus en la politique ?
Quand vous vous rendez dans un restaurant qui vous a empoisonné une fois, vous n’y retournez plus. Ce devrait être la même chose en politique, et c’est ce message que je souhaite leur transmettre. Cessons de voter pour des gens qui nous ont fait du mal et qui nous ont menti. Si nous voulons voir la France s’en sortir, c’est à chacun d’entre nous de se prendre en main. Lors de mes réunions publiques, je suis très clair sur la situation du pays : nous avons les hommes politiques que nous méritons. J’appelle chaque Français à réagir et à arrêter de considérer comme normal de continuer avec les mêmes. Désormais, l’offre politique est là. Il n’y a plus d’excuses. Je les invite à oser voter pour un programme neuf, un homme neuf, des idées neuves.
Vous affirmiez il y a peu qu’une tare de la classe politique actuelle est qu’elle est incapable d’avoir une action politique réelle sur la situation très inquiétante dans laquelle se trouve notre tourisme aujourd’hui. En contre-exemple, vous citez l’action de la Datar, organisme d’aménagement du territoire fondé par de Gaulle, notamment en Languedoc Roussillon, où furent construites de nombreuses cités balnéaires, avec les fameuses “pyramides”. Ce genre d’aménagements, comparable aux “grands ensembles” dans le domaine du logement, qui furent le cœur de la politique territoriale de De Gaulle et dont on connait la destinée, sont-ils vraiment souhaitables ?
Je n’ai pas l’intention de construire des tours sur des plages évidemment, mais nous avons un territoire exceptionnel, diversifié. Le drame est de ne plus avoir de véritable politique d’aménagement du territoire, ce qui aboutit à concentrer toujours plus d’habitants en Ile-de-France.
Je propose une mesure simple telle qu‘une prime de relocalisation pour les entreprises qui se relocalisent dans des territoires abandonnés. L’Etat pourrait ainsi, via un fonds d’investissement, accompagner ces entreprises. C’est ce que fait Singapour pour ses usines. De même, je propose d’accélérer l’installation de la fibre optique sur tout le territoire français en commençant par les zones rurales et les petites villes. Nous avons un retard fou en la matière.
Il ne s’agit donc pas d’imiter le général de Gaulle dans les mesures, mais bien dans l’esprit. Notre territoire mérite qu’on investisse massivement pour le connecter. Ce n’est pas normal que des endroits comme Madagascar, Goa, l’Ile Maurice soient reliées, et que certains territoires merveilleux de France soient laissés à l’abandon.
Par ailleurs, il faut récompenser ceux qui investissent en France. C’est pourquoi je propose de diviser par deux l’impôt sur les bénéfices quand ils sont réinvestis en France. Une politique de baisse de charges, c’est une nécessité, mais elle doit être ciblée sur les entreprises qui investissent sur le sol national.
Vous avez visité hier un élevage de mouton à Réallon. Dans la région, la filière ovine est en grande difficulté du fait de la réintroduction du loup dans les Alpes. Quel est votre position dans ce débat récurrent qui voit encore aujourd’hui s’affronter tenants de la biodiversité et défenseurs des agriculteurs ?
Nous sommes tombés sur la tête ! Les écolos défendent le loup alors que 10 000 brebis ont été dévorées. L’économie pastorale – celle qui fait l’entretien du paysage alpin – est en train de disparaitre avec des problèmes écologiques gigantesques (ruissellement etc.), le tourisme est à l’arrêt, notamment parce que les brebis doivent être protégées par des chiens potentiellement dangereux ! Tout cela parce que des bureaucrates, qui n’ont jamais mis les pieds là-bàs, estiment qu’il faut laisser se multiplier les meutes de loups sans les contrôler. Quand le loup était en voie de disparition, c’était compréhensible. Mais aujourd’hui, c’est l’agriculteur qui est en voie de disparition.
Un chiffre est pour moi marquant et incroyable : nous donnons aujourd’hui plus d’argent pour protéger le loup dans les Hautes-Alpes que pour aider les jeunes agriculteurs à s’installer. C’est aberrant. D’un côté, nous ouvrons toutes nos frontières, nous ne contrôlons ni les produits, ni les personnes, dans le grand bain de la mondialisation la plus inhumaine. De l’autre, nous imposons de plus en plus de charges et de normes à nos agriculteurs. C’est le monde à l’envers.
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