Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Jeudi 14 juillet, 13 heures 30 : le président de la République annonce la prochaine levée de l’état d’urgence. Jeudi 14 juillet, 22 heures 30 : un fou furieux de Dieu massacre près d’une centaine d’innocents sur la promenade des Anglais, à Nice. Vendredi 15 juillet, 4 heures du matin : le président de la République annonce la prolongation de l’état d’urgence.
Parce que le dernier attentat djihadiste de masse en France remontait à la mi-novembre 2015, parce que les vigiles apostés à la porte des magasins et les militaires qi tournaient en rond sur le parvis des gares n’avaient servi de cibles à aucun illuminé de l’obscurantisme, contre toute attente et toute raison, parce que les multitudes réunies dans les stades et les « fan-zones » par l’Euro de football, contre toute prudence et toute raison, n’avaient été l’objet d’aucune agression, en dépit du récent assassinat d’un couple de policiers à Magnanville, M. Hollande nourrissait-il l’illusion d’en avoir fini avec le terrorisme ? L’événement lui a infligé la plus cinglante et la plus sanglante des piqûres de rappel.
François Hollande est le plus impénitent et le plus incurable des optimistes. Nul doute que dans la vie privée cet heureux caractère rende sa fréquentation fort agréable. En tant que personne et qu’homme public, nul doute non plus qu’il préférerait vivre en paix dans un pays en paix et ne pas avoir à constater, à déplorer et à enterrer de plus en plus fréquemment les victimes du fanatisme. Malheureusement pour lui et pour nous, le chef de l’Etat n’a pas les vertus que l’on est en droit d’attendre et même d’exiger de lui. Du commandant en chef des armées, en temps de guerre, plutôt que de vaines et plates paroles de compassion, plutôt qu’une présence assidue à des obsèques on attend le réalisme, la lucidité, l’autorité, la décision, l’action. La bonne volonté ne suffit pas là où manque la volonté.
Brutalement tirés de leur torpeur euphorique par le drame de Nice, qui succède à des drames récents et annonce les drames à venir, le président de la République et son Premier ministre ont brutalement redécouvert et nous serinent d’interview en allocution que « nous sommes en guerre ». Nous ne le savions que trop, ils semblaient ne pas le savoir assez.
Cette guerre, nous disent les experts, est asymétrique. Elle l’est de plus d’une façon. Parce qu’elle oppose des Etats démocratiques, des armées régulières, une police et une justice respectueuses du droit à une organisation criminelle qui ne respecte aucune valeur morale, qui recourt à toutes les armes à sa disposition et ouvre aux assassins les portes de son paradis. Parce que, Dieu merci pour nous, notre supériorité matérielle et technique sur Daech est écrasante – pourvu que ça dure. Mais aussi, et malheureusement pour nous, parce que notre adversaire nous fait vraiment la guerre, en utilisant tous ses moyens, toutes ses forces, tous ses adeptes, tous ses fidèles sans jamais relâcher son effort, sans jamais baisser sa garde, sans jamais désarmer sa haine, alors que nous le combattons à temps partiel, à effectifs réduits, et un bras dans le dos.
Dépassé une fois de plus, François Hollande, quasi-machinalement, a parlé d’intensifier la lutte contre le soi-disant Etat islamique en Irak et en Syrie. Fort bien, encore que ce conflit ne puisse se solder par une victoire sur le terrain que si tous les Etats civilisés, et même ceux qui le sont moins, prétendument coalisés contre Daech unissent leurs efforts et commencent pas s’entendre sur l’identité d’un adversaire qui est la plus complète incarnation du Mal sur terre depuis la défaite et la disparition du IIIe Reich nazi.
Mais c’est chez nous, sur notre sol, c’est en France que le combat doit, d’urgence, changer d’intensité et de nature. C’est dans nos rues, c’est dans nos prisons, parmi nous, mêlés à nous, parfois relativement faciles à reconnaître, parfois dissimulant habilement leurs intentions, que vivent et que tuent des criminels qui haïssent indistinctement le pays qui les abrite, la population qu’ils côtoient, nos mœurs, notre culture, notre civilisation. C’est là qu’il faut frapper, c’est là qu’il faut, en répondant à la guerre qui nous est faite par la reconnaissance de l’état de guerre, traquer, frapper et mettre hors d’état de nuire, sans faiblesse et sans hésitation, ces féroces soldats qui viennent jusque dans nos bras…
Le gouvernement actuel, comme ses prédécesseurs, avance qu’il fait ce qu’il peut. Qu’il fasse désormais ce qu’il doit. S’il n’est ni consciemment ni délibérément coupable des victimes qui s’accumulent sous ses yeux impuissants, qu’il se souvienne qu’il est comptable et responsable de la protection, de la sécurité, de la vie des Français, sous peine, s’il fait défaut, de déclencher et de subir leur juste colère. Nous ne vivons pas des jours ordinaires. Nous n’avons que faire des gens ordinaires.
Notre Premier ministre se targue d’une filiation sentimentale et spirituelle avec Georges Clemenceau. De l’héritage d’un homme qui, appelé au pouvoir en temps de guerre, fit en effet la guerre, il ne semble avoir retenu que les sourcils froncés et les coups de menton. Celui que l’on surnommait le Tigre n’était pas un tigre de papier.