Le printemps est enfin là, la belle saison. C’est le moment, n’est-ce pas, de faire un tour à la campagne, histoire de vous changer les idées. A supposer que des routiers sympas ne donnent pas à votre week-end un goût de bouchon. A peine avaientt-ils levé leurs barrages, voilà que les salariés des raffineries pétrolières prenaient le relais. Le spectre de la panne sèche se met en travers de votre route. Bon, le chemin de fer n’est pas fait pour les chiens. Mais pas davantage pour les voyageurs. Les principaux syndicats de
Une aimable anarchie gagne peu à peu la France. Enfin, plus ou moins aimable. Les plus hauts responsables du renseignement et de la sécurité ne cessent de marteler que notre pays est en Europe le premier visé par le terrorisme. En raison de l’état d’urgence, toutes les manifestations peuvent y être prohibées, qui mettraient en danger l’ordre public ou les manifestants eux-mêmes. De partout remontent les informations qui font état de la montée du salafisme et de sa mainmise sur des quartiers entiers de nos villes, voire sur ces villes elles-mêmes. Le nombre ne cesse d’augmenter des adeptes de la terreur susceptibles de rejoindre Daech ou de revenir porter la mort parmi nous. Nos prisons surpeuplées se muent en autant d’Universités « libres » de l’islamisme et l’on sera bientôt contraint, comme le préconisait la torrentielle Taubira, de réduire le nombre des détenus en fonction de l’insuffisance des locaux de détention plutôt que de proportionner le nombre des places au nombre des délinquants.
Or, jour après jour se succèdent les défilés interdits, les cortèges illégaux, les démonstrations violentes et les occupations abusives. Femmes voilées des pieds à la tête, zadistes impunis, casseurs encagoulés et armés violent la loi et défient la police. On lève l’une après l’autre les assignations à résidence de suspects pourtant fichés comme radicalisés et dangereux. On prévoit, à l’occasion de l’Euro de football, l’organisation de grands rassemblements dont on nous répète pourtant à satiété qu’ils constituent une cible de choix pour les attentats. On retrouve au premier rang d’échauffourées de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes les individus mêmes qui s’étaient vus signifier par l’administration une interdiction de descendre dans la rue annulée par le Conseil d’Etat. Au grand jeu des gendarmes et des voyous, les premiers ne sont pas autorisés à poursuivre, à interpeller et à livrer aux tribunaux les seconds, et les seconds, forts de leur impunité, prennent l’habitude d’affronter, de braver, de frapper et de courser les premiers. Naviguant comme il peut entre les écueils, ou plutôt godillant à vue entre les craintes, le gouvernement longtemps transi de peur à l’idée qu’un seul manifestant soit victime de la répression policière tremble désormais de voir un policier tomber sous les coups des casseurs.
Le gouvernement…Mais avons-nous encore un gouvernement ? L’équipe qui en porte le nom use ce qu’il lui reste d’énergie à défendre et à faire passer une loi présentée à l’origine comme fondamentale, mais progressivement vidée de sa substance et dont nul ne saurait ignorer qu’elle n’entrera jamais en application puisque l’un des premiers soins de la majorité, quelle qu’elle soit, qui sortira des urnes en 2017, sera de la reprendre et de l’infléchir vers la droite ou vers la gauche.
En érigeant la loi dite « El Khomri » en symbole de son inflexibilité, Manuel Valls n’a fait que mettre en lumière l’effondrement de l’autorité politique et de l’Etat qu’elle est censée incarner. Le Premier ministre s’est piégé lui-même en recourant à l’article 49.3 dans un sens contraire à l’esprit de nos institutions. Il n’était pas prévu qu’un dispositif destiné à décourager l’opposition de s’opposer au gouvernement, voire de le renverser, serait utilisé pour fouler aux pieds les droits du Parlement en contraignant la majorité à soutenir une politique qui n’est pas la sienne. Pour autant, la foudre ainsi brandie contre les frondeurs s’est avérée une foudre de papier. Une trentaine de députés appartenant à la majorité ont pu signer une motion de censure sans encourir la moindre sanction et leur traduction devant une Haute autorité qui n’en a pas est surtout un aveuglant aveu de faiblesse et un encouragement à poursuivre et à récidiver.
L’exemple vient de haut, puisque l’on voit non seulement d’anciens ministres mais des ministres en fonction, y compris le premier d’entre eux, jouer un jeu purement personnel et entrer en campagne sous l’œil atone d’un président qui, onze mois avant le terme, n’est plus qu’un ludion ballotté au gré des vagues de l’actualité.
Un homme à la mer ? Mais oui, le fameux capitaine de pédalo ! On ne ferait qu’en rire si n’avait été confié par une inconcevable erreur à ce marin d’eau douceâtre et de petit temps le commandement du paquebot qu’en témoin impuissant, dépassé par les événements, il laisse courir droit sur l’iceberg fatal.