Une tempête dans un Verdun
Convier officiellement le surnommé Black M à donner un concert pour commémorer la plus sanglante et la plus symbolique des grandes batailles de la Première guerre mondiale, était-ce vraiment une bonne idée ? On voit bien le rappeur, on a peine à comprendre le rapport. Certes, au prix d’un grand effort d’imagination, le déferlement des décibels peut passer pour une reconstitution évocatrice des orages d’acier qui s’abattaient sur les défenseurs de Vaux et de Douaumont, mais on ne sache pas que ce genre de spectacle réconcilie les anciens combattants avec la musique moderne ni qu’il insuffle dans l’esprit et le cœur des jeunes générations le sens de l’histoire et l’amour de la patrie.
Quoi qu’il en soit, le maire de Verdun avait sans doute cru bien faire, ou du moins faire chic et moderne, en offrant au chanteur de rap l’occasion de se produire sur la scène locale. Il ignorait apparemment le répertoire et le registre bien particuliers de son invité d’honneur. Petit-fils d’un tirailleur sénégalais qui a risqué sa vie pour libérer la France pendant la deuxième guerre mondiale, lui-même de nationalité française, « Black M », de son vrai nom Alpha Diallo, a cru devoir, comme tant de jeunes vedettes du show business, prendre un nom de scène anglo-américain, C’est son affaire. Mais ce qui est la nôtre, c’est que, vedette du groupe de rap délicatement baptisé « Sexion d’assaut » (sic), « Black M » y a voué à l’enfer les homosexuels – « Je crois qu’il est grand temps que les pédés périssent » – repris une chanson de Maître Gim sur les « youpins » et stigmatisé la France, ce pays de « koufars ». Cet homme n’avait pas sa place à Verdun. Le concert des protestations a eu raison du concert de profanation. L’Etat, à la réflexion, a retiré sa subvention. Le maire socialiste de Verdun, reculant devant l’ampleur des réactions hostiles à son initiative, a déprogrammé le spectacle. On ne peut pas à la fois chanter et cracher sur les tombes.
Tout est donc bien qui finit bien ? On ne reviendrait pas sur l’épisode s’il n’avait fait l’objet d’une exploitation indécente de la part d’un certain nombre d’associations spécialisées dans le communautarisme, de politiciens déjà en campagne pour 2017 et de personnalités supposées responsables. Ainsi M. Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du P.S., n’a-t-il pas craint de dénoncer la « police de la pensée » qui, selon lui, ferait la loi en France. ! Ainsi M. Jack Lang, ministre honoraire de la Culture, a-t-il vu dans le retour à la raison de la municipalité lorraine « une capitulation devant l’idéologie frontiste » ! Ainsi, Mme Audrey Azoulay, qui lui a succédé depuis peu de temps et probablement pour peu de temps rue de Valois, s’est-elle élevée avec vigueur contre « un ordre moral nauséabond » !
Eh bien non, nous ne pouvons laisser proférer de telles contre-vérités ! Non, la France n’est pas ce pays xénophobe, voire raciste, et pourquoi pas génocidaire, qu’une propagande venimeuse, qui se fonde sur l’ignorance et la démagogie, ne cesse d’inciter à la repentance et à la haine de soi. La France est ce pays qui place en tête des indices de popularité le comédien Omar Sy, l’humoriste-producteur-acteur Jamel Debbouze, le footballeur Zlatan Ibrahimovic. La France est ce pays où dans la même journée le débutant Slimane sortait vainqueur de l’émission la plus populaire du moment tandis que le jeune et sympathique Amir représentait honorablement notre pays à l’Eurovision.
Ce n’est pas parce qu’il est noir, comme osent l’affirmer les menteurs et leurs dupe, qu’Alpha Diallo ne chantera pas fin mai à Verdun, mais parce que, de son propre chef, il n’y méritait pas sa place. Et qui est mieux placé pour connaître et apprécier la réalité de la France actuelle que Mme Azoulay, éminente représentante de l’importante aile marocaine de notre gouvernement, gouvernement dirigé par un Premier ministre né espagnol et soutenu par un Premier secrétaire d’origine grecque ? Au fait, si Mme Azoulay veut bien se donner la peine de puiser dans n’importe quel dictionnaire français, elle y vérifiera aisément que le vocabulaire de la polémique ne s’y limite pas au seul mot « nauséabond ». On est en droit d’attendre du lointain successeur d’André Malraux un peu plus d’originalité.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France