Nicolas Dupont-Aignan affirme, dans une tribune publiée dans le Figaro, que la récente décision des Sages bafoue l’égalité de tous les candidats devant le suffrage populaire ainsi que la protection du pluralisme politique.
La démocratie n’est jamais un acquis, mais un combat permanent. En témoigne le vote surréaliste d’une loi mettant fin à l’égalité des temps de parole des candidats à l’élection présidentielle.
Aussi court que fut le débat public, il a provoqué une large indignation chez nos concitoyens qui n’ont pas été dupes d’un verrouillage digne d’une république bananière. Cette réforme n’est en effet pas un simple détail. L’élection présidentielle au suffrage universel direct fut une conquête gaullienne de haute lutte pour permettre aux Français d’échapper au médiocre régime des partis.
Malheureusement, les partis n’ont jamais accepté cet appel au peuple qui les court-circuitait. Au fil du temps, la scène publique a été confisquée par des politiciens fossilisés qui épuisent l’espoir d’un vrai changement. Ils contournent le suffrage des Français en jouant des règles des scrutins, nourrissant une abstention massive de 21 millions de citoyens. Rappelons que la stricte égalité du temps de parole des candidats, au demeurant filtrés par le parrainage de 500 maires, n’était imposée que cinq semaines tous les cinq ans! C’était encore trop pour une caste qui ne veut surtout pas être dérangée par le peuple.
Confronté à un système des partis à l’agonie, François Hollande aurait dû engager une belle réforme démocratique, qui libère le débat public, favorise la démocratie directe et impose un grand nettoyage des pratiques politiques.
Las! Réduit à l’état de zombie prêt à tout pour survivre, le président de la République n’a pas hésité à étrangler le pluralisme démocratique par une manœuvre misérable dont il a le secret. L’espoir de tous les opposants à cette réforme résidait donc dans la capacité du Conseil constitutionnel à défendre des principes évidents: l’égalité de tous les candidats devant le suffrage populaire et la protection du pluralisme politique.
La décision rendue par les Sages est une douche glaciale. Revoilà la France prisonnière des manœuvres de politiciens héritiers de la IVe République qui méprisent le peuple et sacrifient nos principes à leur petite soupe. La soupe du Conseil constitutionnel est bien amère. Elle donne la nausée tant la moisissure de l’arbitraire transpire du verbiage feutré des juristes.
La ruse est connue, l’objectif transparent. Il s’agit de réaffirmer en premier lieu des principes simples (égalité des candidats, pluralisme politique, liberté d’expression) pour mieux les détourner ensuite. La décision du Conseil constitutionnel tente de perdre le citoyen dans un labyrinthe de baratin technocratique, triste aveu d’impuissance d’une institution incapable de justifier la fin de l’égalité du temps de parole des candidats à l’élection présidentielle par nos textes fondamentaux et sa propre jurisprudence.
Ainsi, après s’être épuisés en galipettes juridiques, les Sages ont dû créer de toutes pièces un «motif d’intérêt général de clarté du débat»! Autrement dit, le Conseil affirme qu’il appartient aux législateurs «dans l’intérêt général des électeurs» d’accorder des droits différents aux candidats selon qu’ils soient humbles ou puissants, présidents sortants ou simples citoyens, consensuels ou dissidents! Le Conseil constitutionnel s’est probablement inspiré de l’Union soviétique pour oser limiter le temps de parole des voix différentes, casser notre démocratie, au nom de la «clarté du débat» et de «l’intérêt général». Quelle sera la prochaine étape? Interdire les partis politiques qui n’obtiennent pas 10 % dans les sondages!
Le temps de parole des candidats sera désormais attribué selon les résultats des élections précédentes (le pouvoir aux sortants), aux moyens mis en œuvre dans la campagne (c’est-à-dire le financement public des partis installés) et aux prédictions des instituts de sondage. Tant pis si ces derniers se trompent souvent!
La «clarté du débat électoral» ne figure ni dans la lettre ni dans l’esprit de nos textes constitutionnels. Pire, ce motif contredit des principes bel et bien affirmés dans ces mêmes textes comme l’égalité des candidats et le pluralisme politique, qualifiés par le Conseil constitutionnel lui-même de «fondements de notre démocratie»!
L’imagination sémantique du Conseil constitutionnel n’est donc rien de moins qu’un mensonge d’État visant à couvrir le verrouillage de la présidentielle.
La vie d’une démocratie est aussi fragile que l’esprit de ses lois. On peut tout faire dire à de beaux textes, même aux plus éminents, même à notre Constitution, même à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Les révolutionnaires de 1789 comme les pères de la Ve République avaient établi des règles très claires quant à la garantie absolue du pluralisme politique, la liberté d’expression et l’égalité des citoyens devant le suffrage des Français. Ces règles viennent toutes d’être bafouées par ses gardiens au nom du tripartisme infernal qui désespère notre Nation.
La défiance des Français pour leurs institutions n’est plus un risque, elle devient un devoir. Notre démocratie est profondément malade, ses institutions en panique préfèrent manipuler les règles que de faire appliquer le Droit. Le Conseil constitutionnel laisse donc les partis du système fossiliser l’un des derniers espaces de libertés démocratiques des Français, préférant désespérer plus de 20 millions d’électeurs – et combien d’autres demain? – que d’affronter leur suffrage.
J’appelle tous les journalistes républicains à continuer à appliquer l’égalité du temps de parole des candidats à la présidentielle pour faire vivre le débat et laisser les Français appliquer le seul remède capable de relever la France: leur vote.