Quand les nations d’Europe déconstruisent démocratiquement l’usine à gaz bruxelloise
Par Henri Temple *
Que reste-t-il du système bruxellois, téléguidé par les USA et par la finance internationale, et honni par les nations d’Europe ? Après la crise bancaire de 2008 puis celles de l’euro, financées par les contribuables, celle de l’Ukraine, si coûteuse pour les agriculteurs, celle de la Syrie, décidée par l’Arabie et les USA, celle des migrants orchestrée par la Turquie et la sottise allemande, le chômage, la dette, l’insécurité, la paupérisation, Bruxelles n’existe plus que dans des conférences de chefs d’états, décalés et cérémonieux, des milliers d’insectes fonctionnaires. Et des journalistes apparatchiks méprisants qui se contentent de remplacer l’intelligence par l’invective quand des pays regimbent aux flux migratoires imposés d’en haut ou d’ailleurs.
Or voici qu’un petit pays, perpétuant une des plus anciennes traditions de libertés en Europe, vient de déstabiliser un peu plus le Léviathan obèse bruxellois.
Ce qui est déjà remarquable c’est la procédure référendaire spontanée, non décidée par le gouvernement qui a été mise en œuvre: le peuple néerlandais parle quand il le décide, et pas uniquement si on daigne le lui demander.
Le sujet était le traité mis en place le 1er janvier 2015 par la ”Commission” pressée, dans le projet atlantiste délirant et tellement dangereux, d’éloigner l’Ukraine de la Russie en harmonisant les lois ukrainiennes avec les normes de l’UE et en abaissant les barrières douanières entre les deux zones. Les 2200 pages, signées en 2014, précisent en matière de commerce les tarifs douaniers sur toute une gamme de produits. Ainsi la seule idée de la ”Commission” est de reproduire les mêmes stupides erreurs que celles qu’elle avait commises dans les années 90 par une rafale de traités de commerce dictés aux pays d’Europe centrale qui s’affranchissaient de l’URSS, du Comecon, du Pacte de Varsovie. Le résultat calamiteux avait été, bien prévisiblement, l’effondrement de filières entières à l’est, la ruine,à l’ouest, d’entreprises concurrencées par des produits à bas coût, l’intrusion de géants spéculateurs dans les pays d’Europe centrale. Car le commerce libéré brusquement et à l’excès détruit de part et d’autres des tissus économiques mal préparés.
L’accord avec Porochenko avait été ratifié, comme ailleurs en Europe, par le parlement le 7 juillet 2015. Mais aux Pays Bas une nouvelle loi autorise, depuis le 1er juillet 2015, la population à initier des référendums consultatifs, même a posteriori sur des textes déjà votés … Un collectif (GeenPeil) s’y est employé: il fallait réunir 300 000 signatures, il en a été récolté prés de 485 000 !
Et on a appris ce 7 avril 2016 que le quorum (plus de 32%) a été atteint et que le Non l’a emporté à plus de 61% ! Selon la loi hollandaise sur le référendum, le texte doit être maintenant représenté au Parlement et au Sénat. Le Premier ministre libéral Mark Rutte, a logiquement rejeté une ratification de l’accord avec l’Ukraine sous sa forme actuelle. Les résultats définitifs seront publiés mardi prochain par la Commission électorale : si le référendum est bel et bien validé, “l’accord ne peut être ratifié tel qu’il est actuellement”, a-t-il affirmé, se conformant à la loi et essayant, prudemment, de se rapprocher du peuple. C’est donc désormais un blocage de la politique imbécile de Bruxelles à l’encontre de la Russie qui est avéré.
A moins de trois mois du référendum (23 juin) sur la sortie du Royaume-Unis de l’UE, dont l’issue semble être incertaine -surtout après l’implication de la famille Cameron dans le scandale moral du Panama Papers- ce vote néerlandais anéantit la politique extérieure de Bruxelles hostile à la Russie. Jean-Claude Juncker est « triste ». Mais les peuples retrouvent un peu d’espoir. L’ex Premier ministre d’un paradis fiscal in-shore s’était dépensé sans vergogne pour influencer les électeurs, lançant des fusées de détresse: il appelait dès le 9 janvier (dans l’influent quotidien NRC ) les électeurs à approuver l’accord : « Imaginez, ce que je ne crois pas, que les Néerlandais votent « non ». Alors, cela ouvrirait la porte à une crise continentale majeure. La Russie bénéficierait d’une victoire facile. Je ne critique pas le système politique au Pays-Bas, ou la possibilité de s’exprimer, mais je dis attention, cela pourrait changer l’équilibre en Europe. Sans menacer le citoyen, il doit être bien conscient de sa responsabilité ». Appel réitéré le 3 mars suivant au cours d’une conférence donnée à La Haye : un « non » conduirait à la « déstabilisation de l’Europe ».N’avait-il pas osé dire : « il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens déjà ratifiés » (entretien au Figaro, le 29 janvier 2015). Nous sommes désormais confrontés à une tentation subversive, concertée, et insidieuse, de contester le système démocratique lui-même ! On en trouve des traces un peu partout en Europe dans les discours politiciens et quelques honteuses facultés de droit.
Le référendum néerlandais a été porté à partir de la pétition d’un think tank : Forum voor Democratie. Les Hollandais – et les Français- n’ont pas oublié leur vote bafoué de 2005. Mark Rutte, le premier ministre, a bien été avec Angela Merkel à l’initiative de l’accord UE-Turquie sur les migrants, le 18 mars dernier . Ceci a bien sûr pesé lourd dans le vote des Pays Bas.
Il est temps de reconstruire, de A à Z, une Europe différente, : une Europe démocratique des nations, substituée à celle qui a échoué.
* Avec la ressource de ”La Lettre de Léosthène”