Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Le printemps est là, enfin. Que diriez-vous d’un petit tour à la campagne ? L’air n’y semble-t-il pas plus pur, plus vif, plus léger ? N’a-t-il pas quelque chose de revivifiant, de tonique, d’excitant ? N’est-il pas chargé des parfums et des promesses de la belle saison ? La route est large, l’avenir radieux, l’horizon à portée de la main. Percevez-vous dans le lointain les lendemains qui chantent ?
Quel avenir, quel horizon, quels lendemains, me direz-vous… Entendons-nous : la campagne dont il s’agit ici n’est pas celle des Géorgiques ou des Bucoliques de Virgile. Pas davantage celle, chère à Sully, des labourages et des pâturages. La campagne dont je vous parle relève du genre électoral, et dans le genre elle s’annonce particulièrement gratinée.
Voyez par exemple nos amis « Républicains ». Ils sont une bonne dizaine de concurrents, déjà officiellement inscrits ou officieusement en lice pour les primaires « de la droite et du centre. » Celui-ci a été président de la République, celui-là Premier ministre, cet autre ministre des Affaires étrangères, cet autre encore préposé à l’Agriculture, les autres, en tant que parlementaires, ont constitué la majorité sur laquelle s’appuyaient le chef de l’Etat et son gouvernement. Tous ont porté, soutenu et devraient donc assumer la responsabilité de la politique menée entre 2007 et 2012, pour ne pas remonter plus haut…Pensez-vous !
Ils ont déjà oublié et renié un passé pourtant encore récent. Se rappellent-ils encore avoir appartenu à l’UMP ? Ce n’est pas sûr. Des plus doux, des plus pacifiques, des plus disciplinés, dont le courage, l’audace et l’imagination ne passaient pas pour être les qualités dominantes, aux plus satisfaits d’eux-mêmes, aux plus arrogants, aux plus grands rouleurs de mécaniques, ils sont tous d’accord aujourd’hui pour « casser la baraque » qu’ils avaient pourtant construite et tenue. Auraient-ils perdu la mémoire ? Ils ne parlent que de rétablir les frontières qu’ils avaient effacées, de dénoncer les accords de de Schengen qu’ils avaient ratifiés et appliqués, d’augmenter les effectifs des forces de l’ordre et de l’armée qu’ils avaient réduits, d’en finir avec les trente-cinq heures qu’ils avaient maintenues, d’abolir l’impôt sur la fortune qu’ils avaient conservé, de prendre des distances avec le Qatar et l’Arabie saoudite qui les avaient parrainés, de renouer avec la Russie les liens qu’ils avaient laissé se distendre, de sortir de la dépendance des Etats-Unis qu’ils avaient acceptée, de rompre avec l’inféodation à Bruxelles, Francfort et Berlin qu’ils avaient aggravée…
La gauche de gouvernement, pour l’instant, n’élève guère la voix. Il est vrai qu’elle n’a pas encore de candidat, que les volontaires ne se bousculent pas au portillon et que le choix reste à faire de celui qui portera les couleurs du Parti socialiste en 2017. Mais nous savons déjà, quel que soit le champion qui aura l’honneur de mener son camp à la défaite, sur quels thèmes il axera sa campagne. Nous savons qu’il sera l’ennemi de la finance. Qu’il s’élèvera contre une société qui creuse les inégalités et pratique la discrimination. Qu’il caressera les fonctionnaires et la jeunesse dans le sens du poil. Qu’il promettra l’extension du droit de vote aux étrangers. Qu’il se présentera, jusqu’à la nausée, comme le seul véritable défenseur de mystérieuses « valeurs républicaines ».
Nous savons tout cela parce que nous l’avons déjà vécu et qu’on veut nous le faire revivre.
Tout ce que la droite ne fait pas quand elle est au pouvoir, nous savons qu’elle le promet quand elle est dans l’opposition.
Tout ce que la gauche promet quand elle est dans l’opposition, nous savons qu’elle ne le fait pas quand elle est aux affaires.
Nous savons qu’au gouvernement, liés par les traités qu’ils ont signés, contraints par les abandons qu’ils ont consentis, paralysés par la pusillanimité, ligotés par les intérêts, esclaves des mêmes routines, adhérant aux mêmes conformismes, sacrifiant à la même démagogie, encadrés par les mêmes technocrates, les deux partis du système pratiquent à ce point la même politique que, comme les petits enfants, nous ne parvenons plus à distinguer notre droite de notre gauche.
Ils vous disent ou ils vous diront qu’ils ont appris, qu’ils ont compris, qu’ils sont les mêmes mais qu’ils ont changé, qu’ils ont tout raté, mais que cette fois ils vont tout réussir, qu’ils nous ont menés au désastre, mais qu’ils en ont tiré les leçons, et que les échecs du passé sont le gage des succès du futur.
Vous les croyez ? Vous les croirez ?
Moi pas.
Dominique Jamet