Jamet le dimanche !
20 mars
Un quinquennat de quatre ans
Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Au lendemain des attentats de Paris, le président de la République annonçait aux parlementaires réunis en Congrès à Versailles et encore sous le choc son intention de leur soumettre rapidement la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance nationale. Dans le climat du moment, ce projet qui semblait la première étape d’un plan général de lutte, de prévention et de répression du terrorisme djihadiste suscitait l’approbation générale et les ovations des élus de la nation. La suite a révélé les failles, les insuffisances et l’incohérence des mesures envisagées. Quel intérêt de priver de leur nationalité française une poignée de binationaux qui n’avaient que faire de cette sanction, qui s’en enorgueillissaient même et qui se satisferaient de conserver leur nationalité d’origine et les droits y afférents ? Comment pouvait-on l’épargner en revanche, par crainte de créer des apatrides, aux Français de souche qui, en prenant les armes contre leur pays, s’excluaient de la communauté nationale ? N’était-il pas plus simple et plus logique de prévoir pour les uns comme pour les autres la même peine d’indignité nationale ?
Quoi qu’il en soit, ce débat, après avoir donné lieu à des discussions aussi byzantines que passionnées, est devenu sans objet puisque le Sénat ayant refusé de voter le projet gouvernemental dans les mêmes termes que l’Assemblée, il est désormais exclu que celui-ci soit adopté à la majorité requise des trois cinquièmes. La révision à laquelle François Hollande voulait attacher son nom n’est plus qu’une peau de chagrin et le chef de l’Etat n’a plus le choix qu’entre deux options également fâcheuses pour lui : soit convoquer le Congrès avec pour ordre du jour la constitutionnalisation parfaitement superfétatoire de l’état d’urgence, une réforme sans intérêt du Conseil supérieur de la magistrature et être très ridicule, soit renoncer, reculer et être encore plus ridicule. La deuxième option semble actuellement la plus probable.
Il y a à peine un mois, Manuel Valls empoignait son clairon et sonnait la charge. La grande réforme dont il confiait le destin à la débutante El Khomri allait bouleverser le droit du travail, introduire la flexisécurité en France et du coup résoudre la crise de l’emploi. Le Premier ministre était résolu à « aller jusqu’au bout. » Au besoin il recourrait au 49.3. Le grand patronat applaudissait. La vieille gauche, toujours présente, -les syndicats, les frondeurs, les révolutionnaires – se mobilisait, la jeune gauche, déjà si vieille –les lycéens, les étudiants – se rebiffait. Un mois plus tard, le projet historique, vidé de sa substance sous la pression de la rue, n’est plus qu’un emplâtre sur un cancer. La droite, qui se disait prête à le voter, ne le reconnaît plus. La gauche, encouragée par cette victoire à la Pyrrhus, se satisfait d’avoir fait reculer l’exécutif mais le considère dorénavant avec suspicion. La loi, telle qu’elle sera finalement adoptée, n’entraînera aucune embauche authentique et n’aura aucune efficacité contre le chômage. Son seul intérêt, aux yeux de son promoteur et rewriter, est de créer, une fois de plus aux frais du contribuable, les quelques emplois artificiels et provisoires qui, avec l’aide des statistiques fallacieuses de l’INSEE, lui permettront de légitimer sa candidature en 2017.
Les choses sont claires. Le président, qui a perdu le soutien de sa majorité sans obtenir en échange celui de l’opposition est hors d’état de présenter quelque grande réforme que ce soit. S’il la présente, elle ne sera pas votée, ou alors si édulcorée qu’elle n’aura plus ni sens ni effet. Si d’aventure elle est votée, ce sera trop tard pour être appliquée. Il ne se passera plus rien sur le plan intérieur d’ici l’élection présidentielle.
En politique étrangère, la France de M. Hollande n’existe plus. Son arrogance et son aveuglement dans le dossier syrien l’ont exclue aussi bien du règlement militaire que de la solution politique du conflit. Mais le pire est ailleurs. Le fameux moteur franco-allemand, axe central de l’Union européenne, toussait depuis quelque temps. Il vient de caler sur le problème des migrants. Au volant de sa puissante Mercédès, Angela Merkel a fait chancelier seul. Sans mandat et sans concertation, la femme la plus puissante, dirigeante du pays le plus puissant du Vieux continent a négocié et conclu avec le sultan turc un accord qui engageait l’ensemble de ses partenaires, et les Vingt-Huit, intimidés et bluffés, se sont résolus à entériner la construction de l’invraisemblable usine à gaz échafaudée à Berlin et Ankara, qui prévoit le refoulement pour favoriser la réadmission ! La France, en la personne de son président, s’est inclinée.
Désigné de justesse en mai 2012 pour présider à nos destinées jusqu’en mai 2017, le président, qui a pour lui la Constitution et n’a contre lui que le pays, a choisi d’aller au bout, sinon de son programme, au moins de son mandat. L’année qui vient sera une année perdue pour la France, une de plus. François Hollande a inventé le quinquennat de quatre ans sans en tirer les conséquences. Pourtant, comme les plaisanteries,, les mauvais quinquennats les plus courts sont les meilleurs.
A en croire Le Parisien de samedi, un élu socialiste proche de l’Elysée confiait : « S’il renonçait au Congrès, ce serait un terrible aveu de faiblesse. Le président serait à poil ! »(sic). Eh oui, le trône est vide, le roi est nu. Et ce n’est pas beau à voir.
Dominique Jamet