Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l’actualité politique.
Le 23 juin prochain, les électeurs britanniques diront s’ils se satisfont des nouvelles dérogations au droit commun de l’Union européenne, négociées par David Cameron, qui distendront encore les liens déjà très lâches entre le royaume et le continent, ou s’ils préfèrent décidément couper les amarres, mettre le cap sur le grand large, autrement dit recouvrer leur entière liberté de manœuvre et de navigation.
L’issue de ce referendum est encore incertaine. Le Premier ministre, les conservateurs qui le suivront et la majorité des travaillistes reculeront à l’idée de revenir au traditionnel et splendide isolement qui fut longtemps la marque et fit la grandeur d’Albion. Nos amis de l’UKIP, une bonne partie des « tories » et nombre d’électeurs de gauche opteront pour le « Brexit », c’est-à-dire la rupture des liens institutionnels avec Bruxelles, ce qui n’empêchera nullement les relations diplomatiques, militaires, commerciales, industrielles et affectives de perdurer et de se développer sur une base bilatérale. Il y aura même des irresponsables, des inciviques, des inconscients – puisque le vote n’est pas obligatoire outre-Manche – qui choisiront en toute liberté de bouder le scrutin et de laisser leur propre histoire s’écrire sans eux.
Un point capital, en revanche, est d’ores et déjà acquis. Quel que soit le résultat du referendum, celui-ci prendra force de loi et le gouvernement de Sa Majesté, quel qu’en soit le titulaire, en tirera toutes les conséquences. Heureuse Angleterre, mère des Parlements et de la démocratie ! Nous ne pouvons hélas en dire autant de ce côté de la Manche, où nous traînons depuis onze ans déjà le souvenir du referendum de 2005, et de l’insulte au suffrage universel et à la souveraineté du peuple qu’a constitué, partagé entre la droite et la gauche, le refus de s’incliner devant le « non » si nettement exprimé de l’inféodation de notre pays à Bruxelles, à Francfort et à Berlin. Ce déni de justice politique est une blessure ouverte, toujours béante, et jamais cicatrisée, au flanc de notre démocratie. Il n’est pas pour rien dans la séparation de corps et d’âme qui n’a cessé de s’élargir entre la nation et sa représentation.
J’entendais l’autre jour, lors du colloque, précisément consacré à l’idée de nation, qui s’est tenu en Sorbonne à l’initiative de nos amis Henri Temple et Eric Anceau, un éminent professeur de droit constitutionnel, M. Olivier Gohin, déduire de la fréquence de nos consultations électorales la vitalité de notre système politique. A s’en tenir aux apparences, l’analyse est irréprochable. Elle n’en est pas moins d’un optimisme que ne justifie pas la réalité. De quoi servent en effet des élections si, sous tous les prétextes et par le biais de divers subterfuges, on ne tient pas compte de leurs résultats ? La pratique du referendum où le général de Gaulle, conscient de la nécessité d’interroger les Français sur les grandes orientations de son destin, retrempait sa légitimité, est tombée en désuétude depuis que nos dirigeants, qui en ont bafoué le verdict, se refusent à prendre le risque d’un « non ». La stupide et néfaste instauration du quinquennat, en créant la simultanéité des élections présidentielle et législatives, a mis un terme à la respiration démocratique que permettait leur décalage. A quatre reprises depuis 2012, les élections municipales, cantonales, européennes et régionales se sont traduites par un désaveu croissant et désormais massif du président et de la « majorité » désignés il y a quatre ans, et il n’en a été tenu aucun compte. C’est au nom et avec le soutien, de plus en plus fragile, d’une minorité de faveur, que nous sommes gouvernés et que sont prises sans notre aveu toutes les grandes décisions : guerre ou paix, alliances, marché libre ou protection de nos intérêts commerciaux concurrence déloyale ou défense de notre système social, immigration, lutte contre le terrorisme, traités internationaux… Un homme seul et faible engage irrémédiablement notre présent et notre avenir.
Pourquoi, en dépit de tous les crocs-en jambe et de tous les chausse-trapes qui font obstacle à la libre et simple traduction des sentiments et des aspirations populaires, l’élection présidentielle demeure-t-elle la seule à n’être pas minée et délégitimée par l’abstention, pourquoi suscite-elle, plus que jamais, au milieu des incertitudes, des angoisses et des échecs qui sont notre lot quotidien, les débats, les passions et la croyance obstinée dans la possibilité du changement ? C’est bien sûr parce qu’elle est le pivot de nos institutions et que notre peuple à la dérive, notre nation en péril, notre communauté en désarroi attendent, comme ce fut si souvent le cas au cours de notre histoire, le chef qui restaurera l’Etat. C’est aussi parce qu’un nombre croissant de Français refusent de limiter leur liberté et leur horizon à un choix contraint et démoralisant entre P.S., UMP et Front national ou Front de gauche, entre le système et les extrêmes. Le choix, le véritable choix est entre la poursuite de la politique du chien crevé au fil de l’eau et le sursaut salvateur, entre la continuité dans le déclin et la rupture positive qui fera le relèvement national. A Debout la France, nous avons fait, nous prenons et nous gagnerons le pari de l’intégrité, du courage, de la lucidité, de la vision… L’avenir, pour nous, a un nom et ce nom porte une espérance.