Une bonne politique étrangère est une politique claire, cohérente et résolue. En parlant de guerre à l’organisation Etat Islamique (Daech), François Hollande a opéré un changement important mais sans aller jusqu’au bout de cette nouvelle logique, ce qui est pourtant nécessaire si la France veut vaincre. Tant que notre pays ne considérera pas le régime syrien comme son allié, avec qui il coopère dans la transparence et la confiance, aussi bien en matière d’échange de renseignements que sur le plan opérationnel, il n’y aura pas de solution militaire face à Daech.
En effet, hélas, la gauche au pouvoir reste profondément divisée, tant sur la conclusion d’une alliance avec la Syrie, son Etat et son armée, que sur une coopération pleine et entière avec la Russie, cet autre partenaire incontournable face aux djihadistes. Ces derniers jours, les socialistes ont étalé leurs divisions face à Bachar, les uns admettant et se réjouissant d’un revirement complet à son égard (comme Elisabeth Guigou), les autres le récusant aussitôt, jusqu’à François Hollande lui-même incapable de s’entendre sur ce point avec Barak Obama lors de leur entrevue. Le dictateur syrien serait soi-disant une part importante du problème Daech et non sa solution, une position dogmatique qui masque sans doute le refus de se dédire.
Même chose vis-à-vis de la Russie, toujours regardée comme un pays menaçant sur lequel il faudrait continuer à exercer des sanctions économiques en représailles à la crise ukrainienne. Ce, alors même que la Russie est l’un des
seuls pays à avoir pris la pleine mesure de la menace djihadiste et à s’être résolument engagé dans sa destruction, y compris sur le terrain.
Outre ses raisons propres face à la Syrie et à la Russie, le chef de l’Etat est également entravé par une ligne de politique étrangère incompatible avec l’alliance russo-syrienne, ligne à laquelle il n’a pas renoncé : d’une part ses liens avec la Turquie, plus hostile aux chiites et aux Kurdes qu’à Daech – à qui elle achète massivement du pétrole de contrebande -, dont il attend dans le cadre de négociations européennes tortueuses et déséquilibrées une maîtrise – en réalité illusoire – de la crise des migrants. Cette politique de courbettes à Ankara, menée par Angela Merkel et lestée de mirifiques contreparties – des milliards d’euros et la liberté de circulation des Turcs dans l’espace Schengen -, est contradictoire avec l’alliance nécessaire à l’écrasement rapide et complet de Daech. Tout comme le sont, d’autre part, les liens excessivement étroits noués avec les pétromonarchies du Golfe, qui soutiennent en sous-main le radicalisme sunnite, contre quelques contrats commerciaux juteux.
Cette situation de blocage s’est enfin compliquée ces tout derniers temps avec la menace d’une emprise totale de Daech sur la Libye en chaos, que la Turquie elle-même semble favoriser. Nous risquons rien moins que d’avoir un nouvel Etat Islamique sur l’autre rive de la Méditerranée, ce qui déstabiliserait toute l’Afrique du Nord et même sub-saharienne que nous avons réussi, à préserver de justesse ces dernières années…
Des réticences vis-à-vis d’alliés obligatoires, conjugués à de puissants freins turcs, européens, saoudiens et qataris, autant d’ingrédients conduisant fatalement à l’échec de la grande coalition que prétend monter la France. Sans compter avec le très peu d’envie de nos alliés occidentaux, Etats-Unis compris, d’engager des troupes au sol en Syrie…
On le voit, la France est prisonnière de contradictions insolubles qui ne lui permettront pas malgré la bonne volonté affichée de ses gouvernants, d’aboutir efficacement et rapidement face à Daesh. N’en doutons pas, les tueurs djihadistes le savent et entendent bien entendu en profiter pour poursuivre leur guerre de terreur aveugle contre des civils innocents.
L’obligation pour la France d’avoir une bonne politique étrangère, claire, cohérente et résolue, impose à ses dirigeants de faire des arbitrages, fussent-ils déchirants, pour privilégier les résultats sur l’illusion d’avoir tout sauvé en ayant refusé de choisir.
L’alliance politique et militaire avec la Syrie, la Russie et leurs partenaires locaux, s’impose donc d’elle-même. Tant il est vrai qu’il vaut toujours mieux une coalition resserrée et efficace qu’une Grande Alliance illusoire car mort-née.
C’est la première pierre de cette nouvelle politique de sécurité et de défense que la France doit poser. Mais ce n’est pas la seule : nous devons aussi mobiliser les Européens pour qu’ils participent davantage à la stabilisation de l’Afrique – la France ne pourra plus s’y engager seule – et qu’ils remettent dans le droit chemin le partenaire turc aussi bien vis-à-vis de la question des migrants – qu’il ne faut plus laisser entrer en Europe – que de celle de la Libye – où Ankara doit désormais s’abstenir de toute déstabilisation supplémentaire au bénéfice des sunnites radicaux.
Si la France ne choisit pas entre la guerre au terrorisme et la terreur chez elle, soyons certains qu’elle aura la terreur et pour finir la guerre, une guerre qu’elle perdra.
Nicolas Dupont-Aignan est député de l’Essonne et président de Debout la France
Elisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères Députée de la Seine-Saint-Denis, a diffusé un communiqué de presse à propos de la tribune de Nicolas Dupont-Aignan. Nous la publions intégralement ci-dessous :
« J’ai pris connaissance, avec consternation, de la tribune de Nicolas Dupont-Aignan publiée par le journal Le Monde (NDLR, sur le site exclusivement). Il est faux, contrairement à ce qu’il affirme, que je me sois réjouie d’un supposé revirement de la diplomatie française vis-à-vis du chef du régime syrien. Ce n’est d’ailleurs pas la seule désinformation de ce texte qui multiplie les attaques politiciennes sous couvert d’analyse.
Le président de la République a clairement dit la priorité le 16 novembre dernier : l’éradication de Daesh. Depuis plusieurs mois, l’intention de ce mouvement terroriste de s’en prendre à notre pays est publiquement connue. Cela ne change pas notre analyse : pour un succès durable contre Daesh et ses épigones, il est impératif d’unir l’ensemble des Syriens, aujourd’hui profondément divisés. Or, Bachar al-Assad demeure un obstacle à cette unité.
J’ajoute que, contrairement aux allégations de M. Dupont-Aignan et d’autres responsables de la droite française, le Président de la République et le ministre des Affaires étrangères ont veillé à entretenir, avec les Russes, un dialogue direct sur l’Ukraine mais aussi sur la Syrie et le Moyen-Orient.
M. Dupont-Aignan est libre de ses opinions et de son expression, mais je lui dénie le droit de se faire mon porte-parole, à plus forte raison en caricaturant ma pensée et mes propos ».
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/30/la-france-doit-considerer-le-regime-syrien-comme-son-allie_4820563_3232.html#iYzkqkExrfABFftb.99