J’ai découvert avec consternation la Une et le dossier que vous avez consacrés pendant deux jours au Front National. En toute sincérité, j’ai mis plusieurs heures à comprendre comment un journal aussi ancré dans ses territoires avait pu commettre une telle erreur. Avez-vous oublié que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?
Vous invoquez l’esprit de Résistance à juste titre. Cet esprit, Debout la France prétend également en détenir un fragment d’héritage que nous chérissons comme nous chérissons la liberté de la presse et d’opinion que vous faites vivre chaque jour. La presse ne trahit nullement son devoir d’information quand elle intervient dans le débat d’opinion, mais ignorez-vous que la défiance qui touche les élites ne vous épargne guère et que l’onction de la Résistance ne vous protège plus ?
Parce que nous jouons chacun notre rôle dans la vie de notre République, hommes politiques et journalistes se doivent franchise et sincérité. Aussi je me permets de vous interpeller aujourd’hui : avez-vous perdu la raison ?
Depuis maintenant six mois, les élites parisiennes ont transformé notre élection régionale en une mascarade référendaire opposant les deux grands partis du système au Front National. En réalité, de lourds moyens sont employés pour acculer nos habitants à se prononcer pour ou contre Marine le Pen. Matin, midi et soir, les Français n’entendent parler que du Front National et de Marine le Pen.
Vous venez de rejoindre cette cohorte d’irresponsables. Contrairement aux affirmations de Mme Le Pen, la Voix du Nord n’a jamais été un tract du Parti Socialiste. En revanche, vous venez d’offrir au Front National sa dernière semaine de campagne électorale en l’érigeant en meilleur opposant d’un système que plus personne ne supporte.
Les leçons du référendum de 2005 ne semblent pas avoir été retenues ! La coupure entre le peuple et les élites n’est plus seulement profonde, elle est purulente. Le déni historique de démocratie qu’a constitué le Traité de Lisbonne, soutenu envers et contre tout par ceux qui avaient été défaits par les urnes, a ouvert une boite de Pandore.
Notre région, à l’image d’autres territoires meurtris par l’incompétence de notre classe dirigeante, est entrée en éruption. Face à cet état de fait, vous persistez dans un déni de réalité qui ne peut que nourrir la colère qui vous assourdit.
Ceux qui connaissent la région devraient pourtant savoir à quoi s’en tenir. Les habitants ont souffert plus que quiconque des échecs répétés et des mensonges des partis qui se sont succédés à tous les échelons du gouvernement. Evidemment des choses ont été faites. Mais les quelques réussites enregistrées à grand renfort de dette ne sont rien à côté de leurs faillites. Qu’on cesse de voir d’affreux populistes dans ceux qui constatent cette évidence car ils ne font qu’avancer qu’un problème clairement posé est déjà à moitié résolu.
Ce n’est pas le fruit du hasard si les habitants du Nord Pas-de-Calais et de Picardie sont les premiers à penser pouvoir confier leur destin à Marine Le Pen. Nous avons nourri, défendu et construit la France au prix de lourds sacrifices. Des générations entières ont souffert dans nos champs, dans nos tranchées, dans nos mines, dans nos usines, sur nos bateaux bien plus que les autres. Nos aïeux ont tout donné pour que leurs enfants aient une vie meilleure, bien meilleure que la leur. Qui peut prétendre aujourd’hui que la France a honoré cette dette de sang ?
On entend dans la colère qui gronde l’écho les sacrifices du passé déshonorés par des dirigeants amnésiques, incapables et ingrats. Nous sommes une Nation où même les Présidents socialistes croient aux forces de l’esprit, au poids de l’histoire. Le Front National est un souvenir outragé du passé qui hante notre conscience collective. Aujourd’hui, ce fantôme réclame son du.
Dès lors, organiser un tête-à-tête entre les sortants et le Front National relève d’un suicide pur et simple. Au demeurant, c’est exactement ce que souhaite Marine le Pen !
De toute évidence, les partis du système sont incapables de se renouveler. Avoir choisi Pierre de Saintignon, l’ombre de Martine Aubry, donc de Mauroy et de Delors, et Xavier Bertrand, ministre du travail détaché, du RSI esclavagiste, du reniement du référendum de 2005 et des quotas laitiers, en dit long sur le délire total qui atteint les instances dirigeantes. Pire, sans doute s’agit-il de petites affaires politiciennes, de gestion des égos des uns et des autres, au mépris de la réalité quotidienne vécu par tout à chacun.
Pour contourner une victoire du Front National, il ne faut pas faire la morale aux électeurs du Nord Pas de Calais et de Picardie, il faut leur rendre justice avec une vraie alternative ! Debout la France ne prétend pas en avoir le monopole, mais défend depuis sa création une ligne indépendante et sincère dans ses convictions jamais reniées.
Seul un débat sur le fond permettrait de montrer que le Front National n’est pas la meilleure solution pour notre région. Comme lors des Européennes, c’est le monopole de l’alternative et de la contestation qu’on offre au Front National qui fait son succès. On a voulu faire taire les voix alternatives raisonnables au profit d’une force déraisonnable. Beau résultat.
Que n’a-t-on dit sur Philippe Seguin, Charles Pasqua et Nicolas Dupont-Aignan, pourtant héritiers d’un gaullisme social qui n’a rien à voir avec l’extrême droite. Toute voie alternative a été étouffée au profit d’une idéologie qui devait s’imposer à tous : la construction européenne libérale, la globalisation, le multiculturalisme. En 1992, Philippe Séguin fait un discours historique qui annonce les maux à venir de Maastricht ; en 1999, Nicolas Dupont-Aignan dénonce l’élargissement aux pays de l’Est d’un accord de Schengen devenu complètement fou.
On redécouvre aujourd’hui que le patriotisme fait l’unité de notre société, que la défense de notre civilisation ne va pas de soi, que l’industrie, l’agriculture et la pêche sont les forces vives sans lesquels aucune économie de service n’est possible, que le génie des mains et ses savoir-faire étaient précieux, que nos marchés publics pourraient alimenter notre économie locale, que la mondialisation heureuse était une fable des riches pour exploiter les humbles.
Tibère prophétisait « vous pouvez tondre le peuple, vous ne pouvez pas l’écorcher ». Les habitants du Nord Pas-de-Calais et de Picardie ont illustré cette maxime à de nombreuses reprises. Faute d’un changement radical de comportement de nos élites dirigeantes, notre région pourrait se rappeler à leur bon souvenir.
Cessez d’offrir au Front National les armes de son propre succès. Que les partis en échec quittent enfin la scène de la démocratie qu’ils empoisonnent. Le Front National les rejoindra immédiatement dans les oubliettes de l’histoire et la France sera libre de choisir un nouveau chemin.
Jean-Philippe Tanguy
Tête de liste Debout la France Nord Pas-de-Calais Picardie