La prise de parole d’un président de la République devant l’ensemble des sénateurs et des députés réunis en Congrès à Versailles, et à travers eux devant la nation et le monde, est un acte inhabituel, important et solennel auquel François Hollande a eu raison de recourir, compte tenu de l’extrême gravité de la situation. Patriotes, gaullistes, républicains, nous ne sommes pas de ceux qui le lui reprocheront et qui y verront un calcul politicien. Le drame qui a frappé notre nation, ce vendredi 13 novembre, est sans conteste le pire des cinquante dernières années. C’est un véritable acte de guerre perpétré par Daech à l’égard de la France. Toute la question, la seule qui vaille, est de savoir si le président est à la hauteur de l’immense enjeu qui est devant nous et s’il a su prendre enfin les mesures qui s’imposent.
Dans la première partie de son discours, digne, belle, émouvante, il a parfaitement caractérisé la situation. Il l’a fait avec certaines formules heureuses : « Quand la France est atteinte, le monde est dans la pénombre », ou encore : « Nous ne sommes pas dans une guerre de civilisations, car ces assassins n’en représentent aucune ». De fait, ces derniers rêvent du fameux choc des civilisations annoncé par Samuel Huntington, voilà une vingtaine d’années, piège funeste dans lequel beaucoup de nos compatriotes sont en train de tomber.
Dans la deuxième partie, il a annoncé des mesures fortes qui vont dans le bon sens et que nous réclamions pour certaines depuis deux ans et pour d’autres depuis les attentats de janvier dans un texte intitulé « Urgence ». Que de sang et de larmes eussent sans doute été épargnés si nous avions été alors entendus ! Oui, mille fois oui, la Russie doit faire partie de la grande coalition internationale contre Daech et la France ne plus s’enfermer dans une opposition jusqu’au-boutiste que même les Etats-Unis ont abandonné ! Oui aussi il faut pouvoir interdire notre territoire à un binational qui présente un danger terroriste ou le déchoir de sa nationalité s’il porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou s’il se livre à un acte terroriste. Oui encore il faut réarmer l’Etat en créant des postes de policiers, de gendarmes, de douaniers et de gardiens de prison, même si les chiffres annoncés demeurent insuffisants et ne permettront pas de revenir à la situation d’avant les destructions du quinquennat Sarkozy. Oui enfin il faut interrompre les coupes sombres dans les effectifs de notre armée, même s’il faudrait ici inverser la tendance et réinstaurer le service militaire, élément essentiel à la cohésion nationale. Pourquoi pas aussi cette réforme constitutionnelle annoncée par le président pour permettre à l’Etat de réagir plus efficacement dans les situations de crise extrême. Cependant, celle-ci n’est pas une priorité alors qu’il n’y a surtout plus une minute à perdre !
Pourquoi avoir omis des mesures immédiatement applicables et d’une efficacité certaine ? Pourquoi refuser de nommer des évidences qui frappent aux yeux les Français, comme par exemple ces gens rencontrés dans la rue et ces étudiants avec lesquels je discutais avant le moment de recueillement national d’hier matin ? Pourquoi ainsi refuser de nommer l’islamisme radical par son nom alors qui gangrène une partie de nos quartiers et qu’il prospère sur le terreau de tous les trafics ? Pourquoi ne pas expulser immédiatement les imams qui prêchent la haine et ne pas fermer immédiatement la centaine de mosquées salafistes qui sont une honte pour la grande majorité de nos compatriotes musulmans alors que la Tunisie, pays musulman a su prendre une telle mesure ? Pourquoi refuser l’abrogation des lois Dati et Taubira alors que le parcours de la plupart des terroristes montre qu’ils ont bénéficié du laxisme judiciaire, comme ce kamikaze du 13 novembre, condamné huit fois et jamais incarcéré ? Pourquoi refuser l’internement immédiat et à l’isolement de ceux qui ont participé au Djihad ? Pourquoi réaffirmer sa détestation des frontières nationales, déjà proclamée à Strasbourg (et sous une forme simplement atténuée ici), en refusant de voir que leur existence aurait probablement empêché au moins 5 des 8 kamikazes d’agir lors du vendredi noir (djihadistes infiltrés parmi les migrants ou installés en Belgique dont l’un a réussi à repasser la frontière après l’avoir franchie une première fois avec tout un arsenal de kalachnikovs et de ceintures explosives) ?
Parce que nous sommes patriotes, gaullistes et républicains, nous espérons très sincèrement que le « pacte de sécurité » comme le président a appelé lui-même son train de mesures n’est pas un simple effet d’annonces. Nous espérons surtout qu’il réussira contrairement au « pacte de stabilité » enterré dans la même phrase. La France est courageuse et elle peut supporter sans doute de nouvelles épreuves. En revanche, si elles advenaient, par malheur, elle ne comprendrait certainement pas qu’on ne les lui ait pas épargnées, en prenant des mesures de simple bon sens.
Eric Anceau
Responsable du projet politique de DLF et délégué national à la Cohésion nationale et à l’Assimilation républicaine.