Il m’importe assez peu, et en la circonstance il est d’un intérêt secondaire de savoir si M. Philippe Verdier est suffisamment habilité par ses diplômes et ses qualifications pour aborder et trancher avec l’autorité nécessaire les délicats problèmes que posent à la science les dérèglements climatiques. J’ignore du reste sur quels critères M. Verdier, que je n’ai l’honneur de connaître ni des lèvres ni des dents, comme on dit, avait été embauché par France 2 où il était non seulement présentateur mais chef du service Météo, honorable fonction qui consiste essentiellement à dire le temps qu’il fera dans les huit jours à venir, avec un risque d’erreur non négligeable qui croît à une vitesse exponentielle en fonction du délai qui sépare la prévision de la réalité.
Il y a trois semaines, M. Verdier publiait sous le titre Climat investigation un livre que les climatologues professionnels se sont hâtés de déchiqueter à belles dents, en partie parce qu’ils y ont relevé d’assez grossières erreurs de méthode ou de fait, en partie parce que, quel que soit le domaine considéré, ceux qui s’en estiment seuls propriétaires n’apprécient pas qu’un amateur vienne marcher sur leurs plates-bandes, et surtout peut-être parce que M. Verdier dont le visage avenant respire une certaine naïveté et un certain contentement de soi, se rangeait clairement dans le camp des « climato-sceptiques ».
Il y mettait donc en doute, sinon le fait lui-même du réchauffement climatique, du moins son rythme. Il s’interrogeait sur la part de ce phénomène qui est d’origine humaine et celle qui ne doit rien à nos activités. Il y rappelait que d’autres épisodes du même genre, et parfois beaucoup plus accentués, se sont produits avant l’apparition de l’espèce humaine ou, celle-ci apparue, avant l’ère industrielle. Il faisait valoir, ce qui est habituellement ignoré ou négligé que si le changement climatique est nocif pour certaines zones de la planète, il est d’autres régions où il sera bénéfique. Il y dénonçait aussi le lobby des réchauffeurs et la pression voire la terreur que fait notamment régner le GIEC sur les contestataires et les contradicteurs. De quoi se gaussèrent abondamment les railleurs. La suite a pourtant montré que ce chapitre de son ouvrage n’était pourtant pas si infondée que cela.
Car la question n’est pas, n’est plus de savoir si le livre de M. Verdier vaut quelque chose ou ne vaut rien. La seule question qui vaille aujourd’hui est celle-ci : à quelques semaines de l’ouverture de la COP 21, grande pensée du quinquennat où M. Hollande se berce de l’illusion qu’il puisera une popularité après laquelle il court sans jamais la rattraper, est-il permis à un salarié du secteur public de la télévision, autrement dit de la télévision d’Etat, autrement dit du vieil ORTF que l’on a repeint et dont on a ravalé la façade sous le nom de France Télévision, d’exprimer en dehors de ses heures de service et sans engager en aucune manière son employeur des idées ou des propositions qui s’écartent de la ligne officielle ? A cette question, la réponse est non. Toute nouvelle patronne des chaînes publiques, Mme Ernotte a fait un exemple et licencié sans autre forme de procès ce collaborateur qui ne marchait pas au pas.
On connaissait les lois qui définissent, poursuivent et répriment le négationnisme en matière d’histoire, lois appliqués contrairement à tant d’autres et qui frappent d’interdit professionnelle et d’exclusion sociale ceux qui les bravent ou les violent. M. Verdier étrenne à ses dépens un nouveau Code social qui assimile au négationnisme faurissonien le négationnisme climatique. L’espace du débat, et du même coup celui de nos libertés ne cesse de rétrécir dans notre pays où l’on pourra bientôt reprendre la fameuse tirade de Figaro sur la censure. Il y a encore quelques années, on aurait peut-être critiqué, éreinté, démonté, démoli, raillé, brocardé, réfuté, ridiculisé l’auteur de Climat investigation et son livre. Aujourd’hui on jette l’auteur à la rue. Demain on brûlera le livre. Pauvre France, qu’es-tu devenue ?
Dominique Jamet