Dieudonné aurait-il donc réussi à tuer la liberté d'expression dans notre pays ? Car, contrairement à ce qu'affirme notre claironnant ministre de l'Intérieur, ce serait bien là la seule « victoire » à acter de l'hallucinant rebondissement judiciaire de ce soir.
En effet, quelques heures ont été le prix pour qu'une décision de tribunal administratif de bon sens, respectant l'ensemble de la jurisprudence jusqu'alors rendue sur la liberté d'expression, soit renversée dans des conditions pour le moins extravagantes et au prix de dérives potentielles gravissimes.
Sur la forme, jamais depuis un demi-siècle le Conseil d'Etat n'aura été amené à statuer dans des conditions d'urgences telles, et jamais de bonne mémoire républicaine il ne l'a fait pour une affaire qui reste loin, quoi qu'on en dise, de mettre en péril le salut public.
Je maintiens que la liberté d'expression ne souffre aucun délit d'opinion. Une liberté que seuls doivent borner l'insulte et l'incitation à la haine raciale, lesquelles ne peuvent être que dûment établies a posteriori par la Justice. Procéder à coup de censure préalable, c'est immanquablement renforcer les individus qu'elle vise comme les opinions qu'ils proclament, tout en ressuscitant des pratiques que le peuple français – comme toutes les autres nations démocratiques du monde – ont définitivement jetées aux oubliettes de l'histoire.
La censure n'est pas seulement inacceptable, elle est aussi totalement vaine, voire contreproductive. Car qui ne voit que le feuilleton judiciaire va se poursuivre inlassablement, alimentant un jeu de chat de souris malsain, une fuite en avant dans une polémique où le Bien commun sortira forcément perdant ?
Le gouvernement n'a-t-il vraiment pas mieux à faire ? Instrumentaliser ainsi la République à des fins politiciennes, ainsi que je l'ai dénoncé cet après-midi, demeure dangereux et indigne. On n'a pas le droit de jouer de la sorte avec la République !
Nicolas DUPONT-AIGNAN
Député de l’Essonne
Président de Debout la République