Jamet le dimanche !
C’est ici que ça ne se passe pas
Loi Macron, loi sur le droit des étrangers, loi sur le renseignement, loi sur le dialogue social, loi sur la nouvelle organisation territoriale, loi sur la transition énergétique… A première vue, « en première lecture », l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement qui vient de prendre fin n’était ni insignifiant ni dénué d’intérêt. Dès lors, comment se fait-il qu’il en ai si peu suscité? Pourquoi si peu d’émotion, si peu de passion, pourquoi ces hémicycles plus qu’à demi-déserts (en dehors des questions d’actualité couvertes par la télévision)) et ces tribunes clairsemées ?
Les causes de cette désaffection sont multiples.
Tout d’abord, nul ne saurait ignorer que les dés sont pipés et les jeux sont faits à l’avance. C’est à l’Elysée, à Matignon, au sein des bureaux ministériels puis des commissions que les choses sérieuses se passent. Au demeurant, Il y a beau temps que les élus de la nation écoutent plus leurs consignes que leur conscience, que le gouvernement, quel que soit le sujet, est assuré de faire avaliser ses projets grâce à sa fidèle majorité, sans même avoir besoin de recourir au 49.3, et que l’initiative des propositions de loi n’est que très marginalement accordée aux législateurs.
Le règlement intérieur des Assemblées privilégie les groupes par rapport aux individus. L’organisation des débats est conçue pour faire taire les voix indépendantes à qui le temps de parole est chichement mesuré ou sèchement refusé. Les porte-parole des grands partis peuvent en revanche faire entendre à loisir des discours dont le contenu n’est pas une surprise. Les ministres proposent, la majorité acquiesce, l’opposition conteste.
Le caractère de plus en plus largement technique des échanges leur confère une puissance soporifique incontestable. C’est aux dépens de leur qualité. La discussion se perd et s’enlise dans des méandres jargonneux quand elle ne dégénère pas en claquements de pupitre et cris d’animaux. Morigénés, et sur quel ton, par le président de séance ou le Premier ministre, les malheureux députés, traités en petits garçons, réagissent en petits garçons. Il est bien question d’éloquence. Lorsque M. Christian Jacob, par exemple, interpelle avec une laborieuse véhémence M. Manuel Valls qui lui réplique en maître d’école irritable, on ne peut que constater, et déplorer la baisse continue et accélérée du niveau des débats. Où sont Clemenceau, Jaurès, Aristide Briand, Pierre Mendès France, François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing, Philippe Séguin ? Pas sur les bancs de l’Assemblée.
Comment n’en serait-il pas ainsi quand le champ d’intervention, le rayon d’action des Assemblées n’ont cessé de se restreindre du fait, à l’intérieur, des empiètements de l’exécutif, à l’extérieur de ses abandons de souveraineté ? En ces temps de crise économique, financière, morale, internationale, identitaire, il est bien entendu que ce n’est pas à l’intérieur du Palais-Bourbon que se traitent et que se règlent quelques petits sujets annexes tels que la guerre, la paix, la monnaie, le commerce, l’industrie, les frontières, l’immigration, le terrorisme, les structures de notre société, l’avenir de notre pays, pour nous en tenir à cette liste non exhaustive.
D’où l’impression qu’ont les acteurs – les parlementaires – et les spectateurs – les citoyens – que c’est ailleurs que ça se passe, et que la salle des séances du Sénat ou de l’Assemblée est par excellence l’endroit où il ne faut pas être.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France