DECLARATION SUR LA SITUATION DE LA GRECE ET LES ENJEUX EUROPEENS
INTERVENTION DE NICOLAS DUPONT-AIGNAN
MERCREDI 8 JUILLET 2015
Mes chers collègues,
Je suis intervenu entre 2010 et 2012 à 4 reprises à cette tribune pour mettre en garde sur l’inefficacité évidente des plans de sauvetage européens et la folie qui consistait à s’en porter garant.
Le 31 mai 2010, (motion de renvoi en commission sur le 2ème plan de sauvetage européen), ici même, je concluais : « En définitive, monsieur le ministre, comment pouvez-vous nous demander d'apporter la garantie de la France pour 110 milliards d'euros – excusez du peu –, tout en soutenant une politique d'ajustement qui empêchera les pays que vous prétendez aider de s'en sortir, donc de nous rembourser ? La Grèce, vous le savez déjà, ne pourra pas nous rembourser. Mais les banques sont habiles : elles seront remboursées, elles, et c'est le contribuable qui sera une nouvelle fois le dindon de la farce.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce n'est pas en plaquant un mauvais plan de sauvetage sur un système monétaire vermoulu que l'on pourra sortir les pays de la zone euro du piège dans lequel ils se sont mis ».
Le 6 septembre 2011 (question sur le projet de loi rectificative), j’alertais une fois de plus : « Un ballon d’oxygène financier va certes être apporté à Athènes, mais au prix d’un supplice inouï pour le peuple et l’économie grecs, qui ne s’en relèveront pas. Cette « thérapie de choc » va tuer la Grèce car cette dernière sera bien incapable de redresser sa compétitivité et sa croissance, définitivement martyrisées par l’impossibilité de dévaluer. Oui, mes chers Collègues, c’est là le point central : on n’a jamais vu dans l’histoire l’économie d’un pays rebondir sans dévaluation. La rigueur est efficace quand parallèlement on stimule le moteur économique par la dévaluation.
On a vu le résultat. C’est un fiasco total.
Euro cher, faible compétitivité, réduction brutale des dépenses ne pouvaient mener qu’à cet échec.
La Grèce prochainement sera dans l’obligation de restructurer sa dette et de sortir de l’euro.
Mais voilà le tabou ».
Les faits économiques et monétaires sont têtus. Ce qui devait arriver arriva et aujourd’hui nous sommes dans la pire des situations.
Le peuple grec a souffert comme jamais un peuple en temps de paix (PIB -25%, 60% de chômage des jeunes). Cette souffrance a été inutile car en l’absence d’une dévaluation compétitive, elle n’a pas pu restaurer ses forces productives. Les crédits européens ont surtout servis à rembourser les banques.
Cette humiliation collective explique le sursaut de dignité de dimanche dernier. Ne pas comprendre cette réalité, c’est s’exposer demain à des troubles encore plus graves.
Mais à l’inverse il faut aussi comprendre l’inquiétude des contribuables français, allemands et autres qui ne veulent plus verser à fonds perdus.
Ce choc frontal de deux logiques démocratiques également légitimes et tragiques pour l’Europe.
Mais à qui la faute ?
Certainement pas aux peuples.
Les Grecs qui ne veulent plus souffrir pour rien.
Les autres qui ne veulent plus payer pour rien.
La responsabilité est celle des dirigeants qui ont voulu plaquer l’euro sur des économies, des cultures et des démocraties différentes. Une chimère qui se fracasse, comme l’avait prédit ici même Philippe Séguin, sur les réalités.
Nous sommes aujourd’hui à l’instant de vérité : soit vous mettez une rustine de plus (entre 30 et 50 milliards d’euros) pour tenir un an ou deux maximum, soit vous organisez une sortie en douceur de la Grèce de la zone euro.
Cela passe par un rééchelonnement à long terme de cette dette qui permet à l’économie grecque de redémarrer et une dévaluation pour doper ses entreprises. Il n’y aura aucun chaos et la Grèce pourra enfin voler de ses propres ailes comme le font d’ailleurs les 9 pays de l’Union européenne qui ne sont pas dans l’euro.
La France s’honorerait de proposer cette solution qui sauverait la Grèce et rassurerait les contribuables. Malheureusement François Hollande est lamentablement absent du débat ne voulant pas admettre l’effondrement de la chimère de l’euro.
Il ne le veut pas pour des raisons idéologiques et non pas économiques. L’euro n’est qu’un moyen pour vous d’imposer une supranationalité autoritaire et inefficace qui obligerait, en effet, au déplacement des salariés vers les zones géographiques les plus compétitives et en contrepartie la mise en œuvre de transferts financiers considérables.
Mais comme le disait le général de Gaulle : « on ne fait pas une omelette avec des œufs durs ». L’entente européenne ne peut pas procéder comme vous l’avez rêvé d’une fusion mais seulement d’un partenariat.
Vous ne voulez surtout pas d’une sortie de l’euro de peur d’ouvrir le chemin aux autres Nations.
Les Européens vont découvrir que le chaos annoncé était imaginaire mais ils vont comprendre les bienfaits d’une monnaie qui correspond à la productivité de son pays. Le Portugal, l’Italie, l’Espagne puis la France vont donc progressivement comprendre l’intérêt d’une sortie de l’euro.
Aujourd’hui le choix est simple : soit l’on continue avec l’euro et les Nations européennes vont se déchirer et s’appauvrir un peu plus, soit on organise en douceur le démontage de la zone euro en passant de la monnaie unique à la monnaie commune, et l’on sauvera l’Europe.
Il ne s’agit en rien d’un retour en arrière mais simplement du refus lucide de continuer à se taper la tête contre les murs.
Quand on est dans une impasse, il faut savoir prendre un autre itinéraire. Cela n’a rien de déshonorant
A l’égarement dans le mythe dangereux d’une Europe supranationale qui ne marche pas, je préfère la construction concrète d’une Europe des Nations, des démocraties et des projets à la carte.
Voilà, in fine, la question que pose la journée historique du 5 juillet 2015.