Dominique Jamet, vice-président de Debout la France depuis 2012 mais également journaliste depuis… toujours tient chaque semaine sur le site de Debout la France une chronique où il commente très librement l'actualité politique
Dix-huit contre un. Dix-huit ogres coalisés, exécuteurs des basses œuvres de la trop fameuse « troïka », qui n’allaient faire qu’une bouchée de l’insupportable petit Poucet d’Athènes.
Après des semaines de « négociations », de tergiversations, de contorsions, de « rendez-vous de la dernière chance », de faux accords annoncés aussitôt dénoncés, de nuits blanches et de jours noirs, d’allers et retours qui finissaient dans une impasse, la cause était entendue, le jugement rendu, les clauses, le jour et l’heure d’expiration de l’ultimatum fixés.
Pas question d’échelonner, de restructurer, d’alléger une dette abyssale sont nul n’ignore pourtant que le débiteur est définitivement hors d’été de l’honorer. Le maintien de la perfusion sans laquelle l’Etat grec ne peut payer ses fonctionnaires et faire face à ses échéances (il faut savoir qu’une large part des sommes qui lui permettent de subsister retourne immédiatement, grossie des intérêts, remplir les caisses de ses généreux prêteurs) était conditionnée à un nouveau tour de vis dont l’idée même est insupportable à un pays déjà ruiné, exsangue, à bout de souffle et de patience. C’était à prendre ou à laisser.
Soumis à une intolérable pression, écartelé entre une fidélité à des engagements qu’on le mettait dans l’impossibilité de tenir et un reniement qui serait synonyme de reniement et d’échec, que pouvait faire Alexis Tsipras ? Déjà les vautours tournoyaient autour de la future dépouille de Syriza. La Grèce qui avait cru pouvoir s’écarter des sentiers battus de l’orthodoxie telle qu’on la professe à Bruxelles, à Francfort et à Washington, allait rentrer piteusement dans le rang.
Le Premier ministre grec a tranché, mais pas de la manière qu’attendaient et qu’espéraient les ultra-libéraux. Il est sorti par le haut, subtilement et hardiment, de la nasse où on croyait l’avoir piégé. Refusant la soumission mais écartant la facilité, lourde de déconvenues, qui aurait consisté à profiter de la majorité dont il dispose au Parlement pour passer en force, Alexis Tsipras a estimé que, s’agissant d’une décision capitale, pour le présent et pour l’avenir de son peuple, il n’avait pas le droit de ne pas consulter celui-ci. C’est donc dès le 5 juillet, vu l’urgence, que les électeurs grecs auront à choisir entre le retour des équipes et de la politique qu’ils subissaient depuis quatre ans et qu’ils ont rejetées au début de l’année et la confirmation du mandat qu’ils ont confié à Syriza. Il y a des risques et des inconvénients des deux côtés, mais un seul des deux chemins est celui de la liberté.
Lequel des deux prendront-ils ? Donneront-ils à l’Europe une fois encore dans leur histoire une leçon de courage et de dignité ? En attendant, c’est une leçon de démocratie qui nous est proposée sur les lieux mêmes où elle est née il y a plus de deux mille ans.
C’était évidemment plus que n’en pouvaient supporter les eurocrates qui nous ont mis en tutelle. Confrontés à une résistance qu’ils n’avaient pas anticipée et à une légitimité, plus forte que la leur, qu’ils ont pris l’habitude d’ignorer autant qu’il est en leur pouvoir, ils ne se sont pas contentés de pousser des cris d’orfraie et de jouer les oiseaux de mauvais augure en annonçant une catastrophe dont on peut se demander si elle sera pire que la situation actuelle. Certains, même, n’ont pas hésité à parler de coup de force. Et d’évoquer le putsch des colonels grecs !
Vue de Paris ou de Bruxelles, la démarche d’Alexis Tsipras est en effet incompréhensible, voire inconvenante. Demander au peuple son avis ? Etonnant. On n’a pas vu ça chez nous depuis dix ans. Annoncer que, quel que soit cet avis, on le prendra en compte ? Stupéfiant. Révoltant. En voilà des manières ! Toute ressemblance entre le comportement du Premier ministre grec et celui de nos présidents, actuel ou passés, serait purement fortuite et sans rapport aucun avec la réalité.