Aux enseignantes et aux enseignants de France métropolitaine et d’outre-mer
Madame, Monsieur,
J’ai voulu vous écrire car vous représentez l’avenir du pays. Sans vous, il n’y a pas d’école publique possible à la hauteur de l’espérance des familles pour leurs enfants.
Sans une école publique exigeante, dont vous êtes les garants, il n’y a pas non plus d’avenir pour la République et donc pour notre Nation.
Or, aujourd’hui, l’heure est grave. Le gouvernement propose une réforme du collège qui va accroître davantage encore le fossé entre les élèves les plus démunis et les autres, ce qui va à l’encontre de l’idée que je me fais de la République.
Ce projet représente un vrai danger pour tous nos élèves.
J’ai suffisamment critiqué le précédent Président de la République lorsqu’il avait décidé de réduire massivement le nombre d’enseignants pour pouvoir me permettre de contester le charabia destructeur de la réforme de Mme Vallaud-Belkacem.
Certes, ce n’est pas la première entreprise de démolition de l'Instruction publique au sens noble qui a fait la force de notre République. L'enfer est souvent pavé de bonnes intentions !
Les gouvernements successifs, depuis vingt ans, n’ont eu à la bouche que le mot « réforme ». Ils ont d'abord réformé le lycée, pour en faire ce qu'il est aujourd’hui. Ils ont réformé l’école primaire, en inventant le « socle commun de compétences » qui place l’exigence au niveau le plus bas, et condamne à jamais l’ambition de ceux qui ne sont pas « bien nés ». Ils veulent aujourd’hui réformer le collège, en allégeant encore les programmes et les horaires, en dissolvant les disciplines dans la tarte à la crème de « l’interdisciplinarité », et en vouant les élèves en difficulté à sombrer, faute d’un vrai accompagnement personnalisé.
Faute surtout d’exigences, de formation sans concession aux modes et aux groupes de pression instigateurs de pédagogies dont ils savent dispenser leurs propres enfants. Faute d’un projet unique et cohérent : élever chacun au plus haut de ses capacités, en ré-instituant la primauté des deux valeurs essentielles, travail et transmission.
Il y a urgence.
Urgence pour nos élèves, qui, pour les plus déshérités, n’ont jamais été aussi démunis face aux exigences des études supérieures, jamais aussi confinés dans des communautarismes inféconds, parfois mortels.
Urgence pour nos maîtres, de moins en moins considérés, de plus en plus mal rémunérés.
Urgence pour nos parents, soucieux d’amener leurs enfants vers une vie meilleure que la leur, et qui constatent, jour après jour, que cet espoir s’amenuise sans cesse.
Urgence, enfin, dans la rue, où ce n’est plus la langue de la politesse et des relations humaines harmonieuses qui règne, mais l’infâme bredouillis de la violence et des idées reçues.
La priorité absolue est la maîtrise de la langue. Sans elle, ni communication, ni accès à la culture. Ils ont supprimé des centaines d’heures d’enseignement de Français. Il faut les rétablir.
Ils ont instauré un apprentissage non systématique de la langue, avec des méthodes d’apprentissage de la lecture qui ne fonctionnent pas. Il faut à nouveau former aux meilleures pratiques, et dans le cadre d’un programme national, instaurer des principes pédagogiques qui ont fait leurs preuves, au lieu de jouer indéfiniment avec ce matériau vivant que sont nos enfants.
La maîtrise de la langue ouvre l’accès à la culture. Aussi bien à la culture scientifique, à laquelle il est impérieux d’ouvrir précocement les élèves, qu’à la culture historique : nous sommes sans doute européens, certainement citoyens du monde, mais nous devons être d’abord français. C’est à l’école que se tisse le lien national — et la possibilité critique s’ancre dans des savoirs rigoureux, pas dans des opinions aléatoires.
La maîtrise de la langue maternelle est indispensable à celle des langues étrangères. C’est en sachant parler français que l’on apprend d'autres langues. Pas en batifolant précocement dans les appellations des couleurs et des nombres.
Ce n’est pas non plus avec des divertissements que les enfants accèderont au savoir, mais avec des cours, quitte à supprimer ou dégraisser sérieusement tous les moments ludiques mis en place, sous la pression de Bercy, pour éviter de payer des enseignants à exercer leur métier. Il est de toute première urgence de renforcer les horaires en primaire et dans le secondaire. Ce que nous devons avoir en vue, ce n’est pas l’entrée en Sixième, ni la réussite au Brevet ou au Bac : notre perspective doit être la réussite dans le Supérieur, qu’il soit directement professionnel ou théorique. Une vraie culture donne à chacun la fierté de son travail, le sentiment de perpétuer l’œuvre de ceux qui nous ont précédés. La voie professionnelle ne peut pas, ne doit plus être une voie de garage.
Dans cette optique, les enseignants doivent être d’abord formés à la maîtrise des savoirs qu’ils auront à transmettre, pas à exécuter les lubies de spécialistes auto-proclamés des « sciences de l’éducation ». Parce que ce sont les enseignants qui sont en première ligne. La parole du maître est au cœur des apprentissages. Pas le recours à des écrans qui n’ont de sens que si justement le maître leur en donne un. Le tout informatique" est une illusion dangereuse qui ruine encore davantage le respect que l'on doit à ses maîtres, en faisant croire à l'ubiquité des machines.
À formation savante, rémunération adéquate. Nous ne gardons de l’Europe que les contraintes. Autant en généraliser les bonnes idées — par exemple une uniformisation des salaires. À travail égal, salaire égal : pourquoi ne pas aligner progressivement la rémunération des enseignants français sur celle de leurs homologues luxembourgeois ou allemands, qui gagnent exactement deux fois plus ? Ce serait un premier pas, indispensable, pour enrayer la lente dégradation de l’image des enseignants.
Le collège unique, qui n’a jamais été qu’une intention idéologique, a fait la preuve de son inefficacité. En poussant les élèves les mieux informés hors de leur zone d’appartenance, il a engraissé l’enseignement privé, au détriment de l’école publique. Il a instauré une vraie école à deux vitesses, où les plus déshérités, aux destins pré-écrits, subissent la misère intellectuelle. Une vraie souplesse dans la formation des classes, l’instauration de ponts à tous niveaux, doublés d’un enseignement renforcé en petits groupes, une remédiation pensée au sein des établissements, peuvent pallier les insuffisances actuelles. Nous avons les maîtres, vous le savez bien. Il faut leur faire confiance.
Il est impératif, pour cela, de moduler par exemple le nombre d’élèves en classe. Il faut être bien loin des réalités pour croire que l’on peut enseigner sérieusement à 35 élèves en difficulté. Enseigner à la moitié, déjà, n’est pas facile, et c’est ce vers quoi il faut tendre, dans tous les établissements où des difficultés sensibles se font jour.
C’est enfin par la transmission la plus exigeante des savoirs que l’on peut commencer à restaurer une vraie morale laïque — et non en l’enseignant ex cathedra. C’est en emplissant les cerveaux de connaissances exactes qu’on les dissuadera demain de s’en remettre aux certitudes les plus folles, aux a priori les plus mortels. La laïcité doit d’ailleurs être le cœur de l’école, en ce qu’elle est apprentissage des Lumières, et libre examen. Tout ce qui va dans le sens de la nuit et des forces obscures doit être écarté.
Voilà le cœur de ma pensée politique pour l’Instruction publique, voilà le sens de l’action de Debout la France. Restaurer, entre les enseignants, les élèves et les familles, la confiance née d’un respect du savoir. À la question « Qu’as-tu appris à l’école aujourd’hui ? », les enfants et les adolescents doivent pouvoir répondre, chaque jour, de façon précise. On ne vient pas en classe comme on se rend au supermarché. On y va pour se construire une culture et un avenir.
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout la France