On s’est gaussé de la novlangue qui a refait surface dans les nouveaux programmes du nouveau collège. Vingt ans après le « référentiel bondissant », nous voici donc au « milieu aquatique profond standardisé ». C’est anecdotique, même si c’est révélateur des personnalités aux commandes dans le Conseil Supérieur des Programmes : les députés et les sénateurs qui en sont membres ont été manipulés par les chevaux de retour du pédagogisme le plus étroit.
Ce qui est plus grave, en revanche, et qui n’a pas té assez souligné, c’est la volonté affichée d’en finir, en Histoire et en Lettres, avec le « roman national » et la culture française : de l’héritage gréco-latin, du cadre judéo-chrétien, plus de nouvelles. Nous avons droit désormais à l’histoire des immigrations d’hier et d’aujourd’hui, à l’improvisation orale désordonnée sous prétexte d’expression, au jeu généralisé, et rebaptisé interdisciplinarité, pour combattre l’ennui, aux langues étrangères de moins en moins apprises, aux sciences ramenées à des expérimentations ludiques.
Ce nouveau collège n’est pas seulement un mauvais coup de plus porté à la transmission des savoirs — d’autant que l’on ne parle plus de savoirs, concept « élitiste » et « bourgeois », mais de « compétences », qu’il faut entendre comme le degré zéro qui en restera là. C’est une forfaiture. De la culture, plus de nouvelles : mais Fleur Pellerin n’a-t-elle pas récemment laissé entendre que la culture morte n’avait aucun intérêt, et qu’il fallait s’intéresser prioritairement à la culture vivante des jeunes, c’est-à-dire au fatras inarticulé et auto-satisfait ? De la France, il ne restera bientôt plus que des contre-vérités : sur i-télé, des lycéens ont récemment sommé François Hollande, en off, de promouvoir des cours de religion (« des vrais », disent les élèves convoqués — inutile de se demander de quelle religion ils parlaient) et de reconnaître un « génocide algérien » — alors que s’il y a eu un génocide durant cette guerre, ce fut le fait du FLN contre les Musulmans harkis. Cela donne une idée de ce que l’on a déjà fait à l’école avec le bel enseignement du colonialisme, de la culpabilité occidentale, et du gloubi-boulga baptisé « vivre ensemble ». Cela fait frémir quand on sait que dès la rentrée 2015 des cours de morale laïque seront dispensés à ces adolescents déjà cadenassés derrière leurs certitudes.
Derrière ce ravalement des pratiques pédagogiques, il y a à la fois la volonté d’en finir avec la transmission des connaissances (rien d’étonnant à ce que la plupart des syndicats enseignants, toutes tendances confondues, se dressent contre un projet qui nie les compétences disciplinaires), d’éradiquer les différences (l’élitisme est un gros mot dans la bouche de ces égalisateurs par le bas) et de réaliser de substantielles économies : le collège nouveau, ce sont à nouveau des centaines d’heures de cours qui disparaissent — et pas seulement l’enseignement du latin et du grec, dont la dissolution dans un vague intitulé « cultures de l’antiquité » cache mal la haine de tout ce qui est culture. La démocratie PS n’a pas besoin de savants. L’Europe n’a pas besoin de gens cultivés, sinon à doses homéopathiques, pour remplacer les caciques bruxellois. Pour les autres, ceux que l’on compte livrer aux appétits mondialisés, un « socle de compétences » proche du zéro absolu suffira. François Fillon, alors ministre de l’Education, aurait dû réfléchir à deux fois avant de se laisser embobiner par les pédagogues hérités de Jack Lang, qui lui ont refilé cette grandiose idée qui définit les exigences par le bas, toujours plus bas.
Il faut absolument qu’à la question « Qu’as-tu fait à l’école aujourd’hui ? » chaque enfant puisse, chaque soir, répondre. Il faut redonner à la transmission des savoirs la priorité qui aurait dû rester la sienne. Il faut que l’Ecole forme des citoyens en formant à la culture, et non en assénant ex cathedra des cours douteux de « morale laïque » et d’antiracisme béat : le racisme se combat par Montesquieu, par Voltaire, par Zola, et non par des incantations dont on sait depuis des lustres qu’elles sont contre-productives. Et il y a urgence : on sait désormais que la République peut se dissoudre dans le pédagogisme décentralisé, et que la France peut disparaître dans l’idéologie communautariste. Le « respect », si souvent réclamé par ceux que l’Ecole, justement, ne respecte plus depuis qu’elle renonce à les former, consiste prioritairement à donner des armes, à transmettre une culture, à propulser chacun au plus haut de ses capacités, et non à s’extasier devant les bredouillages d’enfants décervelés, qui à terme — le processus est déjà entamé, et le Nouveau Collège l’accélérera — combleront leurs crânes soigneusement évidés avec la première idéologie mortelle qui se proposera à eux.
Jean-Paul Brighelli
Délégué national à l'Instruction publique
Nicolas Dupont-Aignan,
Député de l’Essonne,
Président de Debout la France