Tribune de Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne, Président de Debout la France et de Jean-Paul Brighelli
Le Figaro
« Dégueulasse ! » s’est exclamé François Bayrou en apprenant ce que le gouvernement, en l’occurrence Mme Najat Vallaud-Belkacem, proposait pour sortir enfin le collège, maillon faible s’il en fut jamais, de l’ornière où on l’a enfoncé depuis deux décennies. L’ancien ministre de l’Education n’a pas tort. Mais il faut aller un peu plus loin que la réponse émotionnelle devant ce fatras de bonnes intentions délétères, cet empilement de programmes indigents et mal intentionnés, et ce jargon insoutenable, novlangue pédagogiste que l’on pensait ne plus entendre. Non, ce nouveau collège n’est pas dégueulasse : il a été pensé par des gens qui sous prétexte de bâtir une école pour tous, et en réalité pour faire des économies substantielles sur le dos des collégiens et des enseignants, construisent une machine à décérébrer qui comme d’habitude frappera d’abord les plus démunis.
La presse s’est largement gaussée du retour des périphrases les plus absurdes dans ces nouveaux programmes — « milieu aquatique profond standardisé » (piscine) ou « aller de soi et de l’ici vers l’autre et l’ailleurs » (apprendre une langue étrangère). C’est anecdotique, même si c’est révélateur d’une volonté de camoufler la pauvreté pédagogique sous un langage pseudo-professionnel. La réalité est bien autrement inquiétante.
Ce n’est pas pour protéger des avantages acquis (et lesquels ?) que 80% des organisations syndicales représentant les enseignants se lèvent vent debout contre l’horreur pédagogique que l’on nous promet pour la rentrée 2016 — et au-delà. Ce qui est à l’œuvre, dans une rue de Grenelle qui désormais commence et finit à Bercy, c’est une réduction des heures d’enseignement, principalement dans les matières fondamentales.
Mais justement, de matières fondamentales, il n’y en aura bientôt plus : 20% des enseignements seront désormais interdisciplinaires, c’est-à-dire que l’on amusera les élèves avec des « projets » aussi farfelus que celui que proposait récemment France 2, filmé dans un collège expérimental de Bordeaux : rédiger en espagnol un « tract » à destination des horticulteurs kenyans pour leur faire prendre conscience de l’équivalent carbone excessif d’une rose élevée sur les flancs du Kilimandjaro. En espagnol, dans un pays qui parle anglais et swahili ! Et un « tract », bien sûr — dans le meilleur des mondes socialistes, on ne se contente pas d’écrire, on proteste vigoureusement. Alain Finkielkraut a dénoncé avec l’ironie du désespoir ces pédagogies qui évacuent la transmission, évacuent les savoirs, au nom d’invraisemblables « compétences ».
Car l’essentiel est là : nos enfants, vos enfants n’apprendront plus rien à l’école, sinon des « compétences » et des « savoir-être », quoi que cela signifie. « Qu’as-tu appris à l’école aujourd’hui ? » Il va nous falloir oublier cette question, dont on devrait faire un pré-requis de tout nouveau programme. Apprendre est dépassé. Transmettre est ringard. Désormais, on combat l’ennui : c’est d’une école-zapping que le ministère a accouché. Comme si les adolescents ne butinaient pas assez.
Et quand il s’agit quand même, parfois, de connaissances, elles sont biaisées par des intentions dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles sont idéologiques. En Sixième, les programmes d’Histoire reprennent tout au tout début de l’humanité, pour nous faire comprendre que la France a toujours été un pays d’immigration — intention avouée devant la Commission Supérieure des Programmes. En cinquième, ils imposent désormais l’étude de l’Islam — c’était déjà le cas, et pourquoi pas ? — mais rendent celle de la chrétienté médiévale parfaitement aléatoire, au gré des enseignants. Non seulement on évacue définitivement ce qui restait du « roman national », mais on met en place une culture (le mot convient-il encore ?) de la culpabilité et de l’indifférence nationale. De la France, dans ce fatras, plus de nouvelles. Quel est exactement l’agenda de ceux qui promulguent ces programmes ?
Hommage du vice au vice, Luc Chatel trouve que tout cela va dans le bon sens. Forcément : il a partiellement vidé le lycée de ses contenus, il ne peut qu’approuver une réforme qui fait table rase du collège. À ne prendre en considération que des objectifs comptables, la Droite sait-elle bien qu’elle y perd son âme et sa crédibilité ?
L’urgence — et il y a urgence, si l’on veut redonner à l’Ecole sa fonction première, qui est d’élever chacun au plus haut de ses capacités, en donnant à tous de l’ambition et non un « socle de connaissances » qui ne dépasse pas le niveau de la mer —, c’est d’apprendre à nouveau la langue française, les Lettres françaises (qui s’apprennent aussi à travers l’héritage gréco-latin, mais du grec et du latin faisons table rase, dit la ministre), apprendre l’Histoire de notre pays avant de se pencher sur des cultures qui n’ont avec la nôtre que des interférences mineures, apprendre les Sciences, à commencer par les mathématiques, afin de former les techniciens et les ingénieurs de demain, et non la main d’œuvre sous-qualifiée que l’Europe des grands appétits et des courtes vues réclame à grands cris depuis la Protocole de Lisbonne, en 2000. Apprendre. Transmettre. Faire confiance aux enseignants formés à transmettre leur discipline, et non à jouer les gentils animateurs.
De ce collège, de ces programmes, il ne restera rien dans trois ans. Mais en attendant, on aura encore sacrifié quelques cohortes de collégiens, principalement ceux que l’on disait vouloir sauver. Car qui pâtira d’abord de ces lubies, sinon ceux dont les parents n’auront pas les moyens de contourner le « collège Najat » en recourant à un enseignement privé auquel le PS ouvre tout grand les portes, dans sa haine de tout ce qui est républicain, et dans son incapacité à bâtir une politique éducative digne de ce nom.
Nicolas Dupont-Aignan,
député de l’Essonne
Président de Debout la France
Jean-Paul Brighelli
Délégué national à l'Instruction publique