Tous les deux jours, un paysan français se suicide dans l’indifférence générale.
Aujourd’hui notre agriculture, clé de voûte d'une industrie agroalimentaire qui constitue un atout majeur de notre pays, traverse une crise sans précédent. Nos campagnes se meurent…
Alors que la modernisation du secteur, protégée par une politique agricole commune (PAC) à l'origine intelligente et une politique nationale attentive, faisait la fierté de notre pays, les gouvernants de gauche comme de droite, prisonniers de dérives européennes de ces dernières années dont ils sont largement coresponsables, ont abandonné nos agriculteurs.
Mis en minorité dans une Union européenne à 28 pays, ils ont laissé détruire la PAC, plaçant nos exploitations à la merci des fluctuations des prix mondiaux et de la concurrence déloyale intracommunautaire, notamment en provenance des anciens pays de l’Est.
Au même moment, par démagogie environnementaliste, ils ont multiplié les réglementations tatillonnes.
Coincés entre le marteau de la concurrence déloyale et l’enclume de contraintes internes étouffantes, la majorité de nos agriculteurs et notamment nos éleveurs et nos producteurs de lait, vendent quasiment à perte et disparaissent les uns après les autres, tandis que la relève n'est plus assurée.
Ajoutons à cela une grande distribution trop souvent sans scrupule qui importe toujours plus des produits de qualité médiocre, comprime les marge des producteurs nationaux, et l’on comprendra sans peine le sentiment d'abandon et de désarroi qui s'est emparé non seulement de l'agriculture française, mais aussi du monde rural dans son ensemble qui en dépend pour une large part.
Et pourtant il n’y a aucune fatalité. La France a besoin d’une agriculture offrant des produits de qualité, respectant nos terroirs et faisant vivre dignement ses paysans. Pour cela il faut d’urgence une nouvelle politique agricole commune rétablissant des prix-plancher garantis et une préférence communautaire digne de ce nom. Pourquoi le Canada y réussirait-il et pas nous ? Mais bien sûr, cela signifie être capable de taper du poing sur la table à Bruxelles pour défendre cette certaine idée de l'agriculture.
Car ce ne sont pas seulement des intérêts nationaux, économiques et territoriaux, qui sont ici en cause : l'agriculture est un secteur marchand à part, qui certes occupe une place fondamentale dans l’identité française (ses paysages, son imaginaire, sa gastronomie, son histoire,…), mais constitue aussi un enjeu moral et géostratégique majeur puisque c'est d'elle que dépend la capacité présente et future de l'Humanité à se nourrir. N'étant pas une activité économique comme les autres, l'agriculture nécessite en conséquence d'être régulée et sanctuarisée dans les négociations commerciales internationales.
Assurer l'avenir d'une agriculture saine, florissante et équilibrée, passe par des mesures de toute nature, dont certaines sont très simples, comme :
• Un étiquetage mentionnant obligatoirement le pays d’origine et ses normes sanitaires et sociales, pour les produits vendus dans le commerce ;
• Le contrôle sanitaire des importations aux frontières nationales (la Suisse et la Norvège savent le faire), afin de refouler les produits qui ne respectent pas les règles de haute qualité auxquelles se soumettent nos agriculteurs ;
• L'interdiction du détachement des travailleurs et la répression réelle du travail clandestin, qui permettent par exemple à l’Allemagne d’exploiter des nouveaux esclaves venus de l’Est et aux producteurs espagnols de soumettre leur homologues français à une concurrence totalement déloyale ;
• L'exclusion de l'agriculture des négociations sur le traité de libre échange transatlantique, qui obligerait là aussi l'Europe à se soumettre à des normes américaines moins-disantes.
Mais il ne s’agira pas seulement d'en finir avec cette politique agricole commune qui marche sur la tête, il faudra aussi, au plan national, libérer nos agriculteurs de l’accumulation de normes et réglementations absurdes et supprimer les cotisations sociales trop lourdes sur l’emploi agricole pour rétablir notre compétitivité, par exemple vis-à-vis de l'Allemagne. Ces charges pourraient être remplacées par une taxe sur le chiffre d’affaire de la grande distribution, qui dispose largement de marges nécessaires.
Enfin, il faudra aussi favoriser les circuits courts, revitaliser les productions à usage local (maraîchage, etc.), inciter les communes proposant un service de cantine scolaire à se fournir en priorité chez les producteurs avoisinants.
Mais ne nous y trompons pas : le problème principal est et demeure d'ordre politique. Cela concerne au premier chef nos gouvernants mais, au-delà, la Nation tout entière. Ayons désormais à l'esprit que derrière l’industrie agro-alimentaire il y a des paysans qui aiment leur terre, qui font vivre les territoires ruraux, qui sont les garants de la qualité alimentaire et dont l'activité est stratégique pour notre avenir comme celui de la Planète.
Dans 20 ans, je ne veux pas entendre mes enfants me dire : « Comment avez-vous pu laisser mourir ceux qui nous nourrissent ?! »
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout la France
http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2015/02/19/31007-20150219ARTFIG00431-nicolas-dupont-aignan-non-assistance-a-paysans-en-danger.php