Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, salue la victoire de Syriza en Grèce. Ce souverainiste de droite espère cependant que la droite eurosceptique grecque pourra «modérer» le parti de gauche qui vient de triompher aux législatives.
Paris Match. Vous réjouissez-vous de la victoire de Syriza, un parti de gauche, aux élections législatives grecques?
Nicolas Dupont-Aignan. Je ne partage pas toutes les orientations de Syriza, bien évidemment. J’ai soutenu les Grecs Indépendants, un parti de droite modérée anti-austérité, mais je suis très heureux que le peuple grec ait enfin fait partir ceux qui le tuaient à petit feu. Ce n’est pas simplement la victoire de la gauche radicale. C’est la victoire d’un peuple qui a été épuisé par cinq ans de mesures absurdes. Maintenant, le plus dur commence et il est clair qu’il faut agir avec finesse et précaution.
Y voyez-vous une inspiration pour ce qui pourrait se passer ailleurs en Europe, par exemple en France?
Oui, parce que Syriza avait il y a cinq ans le score politique que j’ai aujourd’hui en France. Ce qui se passe en Grèce, c’est comme si dans cinq ans, Debout la France gagnait les élections législatives. C’est un prodigieux appel à la démocratie : si les Français le veulent, ils peuvent vraiment renouveler la classe politique. Si Tsipras a gagné, c’est parce qu’il rassemble, au-delà de la gauche, beaucoup de Grecs sur une volonté de renouvellement politique.
En Grèce, un rapprochement entre Syriza et les Grecs Indépendants, a été esquissé; des discussions ont eu lieu. En France, vous ne semblez guère prêt à discuter avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, allié de Syriza, par exemple.
J’ai toujours été prêt à discuter, mais la France est encore prisonnière du climat droite-gauche, parce qu'elle a -heureusement- moins souffert que la Grèce. Il faut bien comprendre qu’en Grèce, le clivage n’est plus entre la droite et la gauche. Il est entre ceux qui ont soutenu madame Merkel et ceux qui veulent une voix indépendante. J’ai eu Panos Kamménos (leader des Grecs Indépendants, ndr) au téléphone, il aura un groupe parlementaire, et j’espère qu’il fera alliance avec Syriza s’ils n’ont pas la majorité absolue. Syriza, c’est un formidable espoir, mais il ne faut pas qu'ils tombent dans des vieilles lunes gauchistes. Il faut trouver un équilibre.
Justement, Syriza propose une politique d’immigration plutôt ouverte, totalement opposée à ce que vous préconisez. Est-il possible de surmonter ce désaccord profond?
Syriza est un parti de gauche avec ses lubies. Je suis en total désaccord avec ça et je pense que Syriza ne pourra d’ailleurs pas l’appliquer, sinon ils seront submergés d’une immigration folle. C’est pour ça que je pense qu’il serait très bon que les Grecs Indépendants soient alliés à Syriza, pour les modérer. Je ne suis pas comme Mélenchon l’avocat de Syriza!
Pensez-vous que la Grèce ne doit pas rembourser la dette accumulée?
Aujourd’hui, elle ne peut plus rembourser. Comment reconstruire l’économie grecque pour qu’elle soit capable de nous rembourser : c’est ça la question. Il y a quatre ans, les gouvernements français et allemand ont accepté de racheter la dette grecque à des banques privées, contre mon avis. A mon avis, il faudra que la Grèce sorte de l’euro. Et ça, même Syriza ne le dit pas encore.
Vous avez déjà entrepris des démarches pour vous rapprocher des eurosceptiques européens. Croyez-vous parvenir à transcender le clivage gauche-droite, alors que les nouveaux partis de gauche ne partagent pas votre idée d'une «Europe des nations»?
Je suis convaincu qu’en France, comme l’Ukip en Grande-Bretagne, Beppe Grillo et le M5S en Italie ou Podemos en Espagne, ce seront des partis nouveaux qui changeront les choses. Je pense qu’avec Debout la France, on va bouleverser la vie politique française. Il y a des pays où ça viendra de la gauche et d'autres où ça viendra plutôt de la droite, comme en France, où elle est ultra-majoritaire. Je pense qu’en fait, ce qui s’annonce, c’est un bouleversement politique. Les partis qui ont mis l’Europe à genoux sont condamnés. Ce qui est arrivé en Grèce aujourd’hui peut arriver en France, en Espagne, au Portugal. Tout peut arriver quand on humilie les peuples.