Eh bien oui, nous sommes en guerre. Combien de fois faudra-t-il encore le dire et quand se décidera-t-on enfin à en tirer les conséquences ?
Nous sommes en guerre. Une guerre qu’à déclarée à l’Occident, à sa civilisation, aux Lumières, à la liberté, à l’humanité, à tout ce qui bouge, à tout ce qui vit, à tout ce qui pense, l’obscurantisme qui fait flotter au vent le drapeau noir de l’islamisme, qui courbe les hommes sous la terreur et fait tomber les têtes sous la balle des tueurs et le couteau des égorgeurs.
Une guerre à laquelle l’armée française participe, marginalement, avec les moyens réduits qui sont les siens, au Mali, au Niger, au Tchad, accessoirement en Irak et en Syrie. Une guerre où le front est partout et l’adversaire nulle part, dès lors que nous y avons affaire à des soldats sans uniforme, à des tireurs pas francs qui ne respectent ni les frontières ni les conventions, ne distinguent pas entre le combattant et le civil et prennent volontiers l’innocent pour victime.
Une guerre où un certain nombre de nos concitoyens, français de souche ou français par le hasard de la naissance, fraîchement convertis à ce qu’ils osent appeler une sainte religion, ont adhéré, en rejoignant les rangs de Daech et d’Al Qaida, à la secte des assassins.
Ce qui devait arriver est arrivé, hier matin. La France a payé pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle signifie. Les loups sont entrés dans Paris. Ils ont frappé au cœur même de la capitale. Deux fanatiques encagoulés sont entrés au siège d’un journal, à l’heure où ils savaient réuni le comité de rédaction. Leurs kalachnikov ont eu facilement raison des stylos et des crayons des journalistes et des dessinateurs. Puis ils sont repartis, fiers d’avoir vengé le Prophète et exécuté la fatwa lancée il y a cinq ans contre ceux qui avaient osé caricaturer Mahomet, assurés d’entrer au paradis où des houris accueillent, fêtent, caressent les ahuris, les dingues et les monstres.
Que dire de Charlie-hebdo sinon que depuis sa création et à travers les divers avatars de Hara-Kiri, cette équipe de joyeux drilles, anarchistes, gauchistes, écolos, antiracistes et parfois même non-conformistes, qui ne se reconnaissent dans aucun parti, dans aucune école, dans aucune église, toujours dans la dérision, toujours dans l’excès, piétine allègrement, joyeusement et le plus souvent avec talent, toutes les plates-bandes de l’ordre public, de l’ordre moral, et dépasse en toute liberté, en toute licence, les bornes du bon goût, des convenances, de la bienséance, sans pratiquer d’autre violence, sans recourir à d’autres armes que celles de la plume et de l’esprit. Cela, au Moyen Age, leur aurait valu, dans ce pays même, la corde ou le bûcher, et encore sous le règne du Bien-Aimé, la censure et la Bastille. Cela, en France, en 2015, ne mérite pas la mort cruelle que leur ont infligée, pour les punir d’avoir « blasphémé » un Dieu qui n’est pas le leur, d’anachroniques barbares qui ne sont pas dignes de vivre.
Cabu, Charb, Wolinski, Bernard Maris, Tignous et les autres, humoristes associés dans une mort tragique par le biais d’un étrange cocktail qui les aurait bien étonnés, aux policiers qui assuraient leur protection, sont tombés en martyrs sur leur champ de bataille habituel. Les brutes analphabètes qui les ont assassinés de sang-froid, les ont dépêchés comme ils auraient fait Cavanna, Caran d’Ache, Forain, Daumier, Paul-Louis Courier, Camille Desmoulins, Voltaire, Montesquieu, Molière, Montaigne ou Rabelais. Les tueurs aux gages d’une religion de ténèbres ne se sont certes pas trompés de cibles ; dans les personnes de leurs victimes, ils visaient tout ce qu’ils haïssent : la laïcité, la liberté, la République, la France.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France