La proportionnelle, solution miracle pour démocratie en panne ?

FIGAROVOX/ANALYSE – Dans un entretien, François Hollande déclare être prêt à «introduire une part de proportionnelle à l'Assemblée Nationale». Une mesure populaire, mais qui, pour Jean-Philippe Tanguy, pourrait avoir des effets pervers.


Ancien ESSEC et Sciences-Po Paris, Jean-Philippe Tanguy a travaillé pour le conglomérat Hitachi au Japon avant de rejoindre le cabinet de Clara Gaymard, PDG de General Electric France. Ancien candidat aux Européennes (4,2%) pour Debout la République, il est aujourd'hui délégué national aux fédérations.


Sujet récurrent du débat public depuis les années Mitterrand, l'introduction d'une part de proportionnelle aux élections législatives est la lanterne magique des politiciens en mal d'idées neuves.

Limitée à un certain nombre de sièges, cette réforme protégerait la France de l'instabilité maladive des IIIème et IVème Républiques tout en permettant de réaliser trois vœux parfaitement consensuels pour réconcilier les citoyens avec les élections: mieux représenter la diversité des opinions, renouveler le personnel politique et apporter des idées neuves.

Il est en effet aussi probable que souhaitable que l'introduction d'une part de proportionnelle ouvrira l'hémicycle à des partis disposant d'un électorat sous-estimé (Debout la République, Modem, Verts) ou franchement ignoré (Front National, Front de Gauche). Que des personnalités comme Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou Marine Le Pen puissent rallier des millions de Français sur leur nom sans parvenir à siéger à l'Assemblée nationale est objectivement surréaliste.

Pourtant le lien entre le scrutin proportionnel et les vertus qui lui sont attribuées sont loin d'être évidentes. Qu'on pense un instant à nos voisins européens, comme les Pays Bas ou l'Espagne, utilisant le système proportionnel et dont la démocratie ne semble pas plus vivace que la nôtre! L'Allemagne, qui unit scrutin majoritaire et proportionnelle, selon un système sans doute proche de l'idée proposée par François Hollande, ne se distingue ni par le renouvellement de ses dirigeants, ni par l'originalité de ses idées, loin s'en faut!

En France même, l'utilisation du système proportionnel est le propre des deux élections les plus boudées par les électeurs: les Régionales et les Européennes. Pourtant, avec une moyenne de 24 listes par circonscription, les élections européennes offraient un large choix à chaque électeur!

En vérité, ces vœux pieux sur le mode du scrutin sont bien commodes pour contourner l'épuisement des partis politiques et la sclérose du débat d'idées qui en résulte. Dans l'ensemble des démocraties, les partis politiques sont de loin l'institution la plus décrédibilisée et méprisée. En France, les différents baromètres lui accordent généralement moins de 10% de confiance…

Or le scrutin proportionnel, même partiel, est une arme dans les mains non pas des citoyens, mais des appareils politiques, qui décident largement du sort des élus en définissant la liste des candidats. On devine dès lors que ceux qui aspirent à figurer en bonne place ne se distingueront ni par leur indépendance d'esprit ni par leur charisme. Sous couvert de renouvellement et de représentativité, on confie les clés de l'asile aux fous.

La mesquinerie du débat entre scrutin majoritaire et proportionnel illustre d'ailleurs l'essoufflement d'un débat d'idées que l'imagination a déserté, lassée par le régime des partis. Pour renouveler vraiment le paysage politique, sans doute faut-il remettre en cause quelques certitudes sur les élections. D'aucuns proposent ainsi une part de tirage au sort, principe qui permettrait de bousculer la monotonie sociale et générationnelle du Parlement mais dont les malheureux désignés seraient écrasés dans l'exercice de leurs mandats par des élus plus aguerris.

L'enjeu consiste donc plutôt à élargir le système partisan majoritaire vers des personnalités nouvelles et indépendantes en court-circuitant le phénomène du vote utile, mal nécessaire de toute démocratie qui sait se gouverner. Par un premier vote, le citoyen désignerait le candidat d'un parti à même de former une majorité stable ; par son second vote, il pourrait choisir un candidat parmi une liste départementale ou régionale de personnalités ne souhaitant pas forcément se rattacher à un parti politique. La liberté offerte au citoyen de pouvoir élire à la fois une majorité stable tout en envoyant des personnalités plus originales et indépendantes bousculerait enfin de manière constructive nos démocraties fatiguées par le régime des partis.