La distinction entre pays légal et pays réel se vérifie encore une fois ! L’article 71-1 de la constitution reconnait au Défenseur des droits le pouvoir de veiller au respect des droits et libertés par les administrations de l’Etat, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public… Le défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la république et au Parlement. Soit ! Encore faut- il qu’émanant d’une autorité constitutionnelle ce compte rendu soit considéré comme un élément important de la démocratie et non comme un gadget.
Le 15 février 2022, trois ans après son premier rapport sur la dématérialisation et les inégalités d’accès aux services publics, le défenseur des droits a cru devoir revenir sur ce sujet. Conscient du prétexte que fut la pandémie de la Covid 19, le défenseur alerte encore et toujours sur une dématérialisation à marche forcée : Une telle situation s’accompagne, le plus souvent de la fermeture de guichets de proximité et du report systématique sur l’usager des tâches et des coûts incombant auparavant à l’administration. L’usager dès lors se voit contraint de s’équiper, s’informer, voire même se former et ne pas commettre d’erreur sous peine de se retrouver en situation de non accès à ses droits (CE 3 juin 2022 ).
La possibilité d’effectuer des démarches en ligne peut certes, simplifier de nombreuses situations, pour autant, chacun, y compris les plus à l’aise, peut un jour rencontrer un blocage incompréhensible face à un formulaire en ligne sans pouvoir parvenir à joindre un agent du service public concerné.
10 millions de nos concitoyens sont en difficulté face au numérique. 15% de nos compatriotes n’ont pas d’accès à l’internet et ce chiffre atteint même 40% pour les personnes non diplômées, 24% pour les ménages bénéficiaires des minima sociaux. Chez les personnes âgées, 25% des plus de 65 ans sont confrontées à des difficultés dans leurs démarches administratives (53% des plus de 84 ans). De la même manière, et contrairement aux idées reçues, le mythe du « digital native « est faux : Si les moins de 25 ans sont à l’aise pour effectuer des achats en ligne ou pour jouer, ils sont plus en difficulté que le reste de la population pour réaliser des démarches en ligne.
Face à ce constat, l’Etat persiste dans son erreur du tout numérique. Les exemples en sont multiples : Choix du tout numérique pour le bénéfice de « ma prime renov », développement des PANG ( Points d’Accès Non Gérés ) par la SNCF impliquant, à défaut d’un smartphone, au mieux un billet au tarif supérieur dans le train, au pire une verbalisation basée sur une suspicion de fraude. Citons encore le Compte personnel Pôle Emploi avec le cas de ces demandeurs d’emploi habitant d’une zone blanche et qui n’ayant pas reçu les propositions de rendez-vous de leurs conseillers seront radiés. Idem pour l’impossibilité de certains parents de suivre le parcours scolaire de leurs enfants sur l’Espace Numérique de Travail mis en place dans collèges et lycées.
Cette façon de procéder gouvernementale n’est qu’une pitoyable adaptation des contraintes imposées par l’Union Européenne. La tradition centralisatrice et jacobine de la France avait permis la constitution d’un véritable service public efficace pour le citoyen basé sur 4 principes fondamentaux : Egalité, Equité, Adaptabilité et Continuité.
Les traités européens et la jurisprudence de la Cour de Justice ont non seulement fait prévaloir la norme européenne (arrêt Costa C/ Enel 15 juillet 1964 ), mais aussi la libre concurrence et la libéralisation des services publics. Ainsi le tout numérique est l’occasion rêvée d’imposer l’adaptation du citoyen à l’administration là où c’est l’administration qui doit s’adapter au citoyen, à tous les citoyens sans distinction d’âge, de culture, de localisation.
Avec le Défenseur des droits exigeons sans délai le retour à une politique omnicanal au service des usagers et non de la seule rentabilité, par ailleurs destructrice d’emplois des administrations et entreprises publiques. Sans être opposé à une évolution numérique, le citoyen doit avoir le choix de ses modalités de contact avec l’administration. Avec Debout La France favorisons le bon sens au service des Français.
Jean-Claude LHOMMEAU
Chargé de Mission Régional – Pays de la Loire