La direction générale des douanes a publié ce 7 février les chiffres de notre balance commerciale pour l’année 2022. Le déficit s’établit à 164 milliards, soit le pire résultat depuis que ces mesures existent et un doublement par rapport au précédent record !
Jaugé à l’aune des déclarations triomphantes de M. Le Maire pendant la campagne présidentielle (« la politique du gouvernement est efficace » « l’économie française tourne à plein régime »), ce chiffre ne manquera pas de surprendre.
Le gouvernement tente de se dédouaner de ces résultats calamiteux en mettant en avant la hausse de la facture énergétique. C’est faire bien peu de cas de son immense responsabilité dans l’affaissement de notre puissance nucléaire. La France est devenue importatrice nette d’électricité en raison de l’arrêt de plus de la moitié de notre parc de centrales, à cause du sous-investissement chronique depuis 2012.
Dans le détail, notre déficit a explosé vis-à-vis de de nos partenaires de l’Union Européenne, atteignant 64 milliards d’euros dont 12 milliards avec la seule Allemagne. Rappelons que, dans le même temps, la France subventionne largement ces pays de l’UE puisque notre contribution nette (la différence entre ce que la France donne à l’UE et ce qu’elle perçoit) se montait à 9,5 milliards d’€ en 2020 et à plus de 10 milliards d’€ en 2021.
Ces données doivent nous amener à repenser la coopération européenne : un espace de libre-échange entre des pays ne respectant pas les mêmes règles fiscales et sociales se révèle intenable. Un industriel, si patriote soit-il, sera enclin à produire dans les pays de l’Est où les salaires sont 3 à 4 fois inférieurs aux nôtres.
Il ne s’agit pas d’exclure tel ou tel pays avec lequel nous avons des relations historiques. Néanmoins, une approche par partenariats d’autant plus resserrés que les nations auraient des systèmes économiques comparables semblerait raisonnable.
Sans surprise, l’analyse par grandes familles révèle un effondrement de notre déficit en matière de produits manufacturés (-78 milliards d’euros), chiffre à lier à la désindustrialisation hexagonale : 2 millions d’emplois industriels ont disparu en 30 ans. Comment a-t-on laissé périr notre industrie ?
Les années 70 ont vu émerger un doux rêve en Occident : une société postindustrielle dans laquelle les hommes, libérés des cadences infernales par le progrès technique, se consacreraient aux services. Foin des cols bleus, foin des cheminées qui fument, vive les cols blancs, vive l’ère du savoir et de la connaissance.
La charmante utopie s’est répandue sur les bancs des universités, dans les cercles de pouvoir : désormais, les entreprises allaient arbitrer systématiquement entre des activités de service à forte valeur ajoutée qu’elles conserveraient (recherche-développement, direction générale…) ou externaliseraient (conseil, fusion-acquisition…) et des activités productives à faible valeur ajoutée qu’elles enverraient dans des pays où la main d’œuvre est meilleur marché. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Certes le chômage augmentait mais des explications commodes (commodes car permettant de s’exonérer de réfléchir sur ce basculement industrie/service et ses conséquences) étaient avancées : ici un gouvernement trop socialiste ou trop libéral, là des rigidités sur le marché du travail, là encore une méchante conjoncture mondiale… Alors que la part de l’emploi industriel s’effondrait, le déficit commercial apparaissait en 2003 pour ne jamais se résorber. Nos dirigeants ont poursuivi cette politique du chien crevé au fil de l’eau qui consiste, par idéologie ou vision financière à court terme, à laisser filer nos fleurons industriels à l’étranger : Pechiney, Arcelor,
Alcatel, Lafarge, les chantiers de l’Atlantique, Alstom, Technip. Pire, tétanisés par les oukases des commissaires européens, ils ont écarté tout ce qui, de près ou de loin, ressemblait à une vision industrielle. Enfin ils ont gaspillé l’argent public en accordant des avantages fiscaux à des entreprises sans aucune contrepartie ce qui a généré des comportements de chasseurs de primes.
Les impôts et les charges des Français n’ont pas à être dispersés aux quatre vents. Aussi une politique ambitieuse et concrète consisterait à conclure un pacte gagnant-gagnant avec les entreprises avec baisses de charges en échange d’une implication indiscutable en faveur du Produire en France, à réserver une large proportion d’achats publics aux entreprises tricolores, à créer un fonds d’investissement et de relocalisation qui favoriserait l’investissement productif et l’emploi dans les zones périphériques et rurales, à mettre en place un étiquetage obligatoire sur les marchandises pour indiquer la part de « fait en France », à mener une lutte impitoyable contre la contrefaçon.
Il est urgent de redécouvrir le rôle de l’industrie et de ses effets multiplicateurs dans de nombreux domaines : les investissements en recherche – développement, les emplois induits (sous-traitance industrielle et dans les services), les emplois qualifiés, la balance commerciale…
Nos sociétés sont entrées dans une ère hyper-industrielle, qui jette dans les poubelles de l’Histoire les croyances folles d’économies sans industrie.
Assez d’excuses faciles, le redressement industriel est affaire d’état d’esprit.
Alexis VILLEPELET
Porte-Parole
Responsable du projet de Debout la France