Depuis que Jean-Marie Le Pen est en pré-retraite, il fallait urgemment pour les compères de l’UMP et du PS retrouver un antisémite de service.
Pour le comprendre, il faut en revenir à l’idéologie qui sert depuis 1945 de ciment à la logique suicidaire de l’Union Européenne. Elle repose en effet sur ceci : c’est l’existence même des nations européennes qui a conduit à la tragédie de masse des deux guerres mondiales. Une Europe en paix serait une Europe sans nations, où en tout cas rabaissées au rang de provinces n’exerçant plus les pouvoirs essentiels.
On peut comprendre la sincérité de ceux qui ont porté ce raisonnement simplificateur à l’issue de la défaite du nazisme et de la pleine découverte de l’horreur sans fond dont il fut porteur, et en premier lieu la mise en œuvre de l’assassinat industriel des Juifs.
Mais cette réaction émotionnelle se heurte à une réalité tenace : il n’y a pas de démocratie sans nation. Vouloir faire de la démocratie un principe hors-sol, qui se résumerait au fait qu’on appelle le peuple aux urnes à intervalle régulier la vide de sa substance.
Un vote n’est légitime qui si il sanctionne un débat d’une communauté porteuse d’une histoire et d’une culture suffisamment communes pour lui donner son sens.
Surtout, la minorité peut accepter de l’être si elle reconnaît que l’appartenance au cadre commun est plus forte que son opinion particulière.
C’est bien pourquoi tous les peuples qui sont sortis des dominations coloniales aspiraient à une libération nationale. C’est bien pourquoi toutes les anciennes dominations d’empire avec leur frontières artificielles, les fédérations du passé que l’on a voulu maintenir de force ont toutes débouchées sur des guerres civiles, des ruptures : en Yougoslavie, en Asie Centrale, en Afrique. La fin du XX° siècle et le XXI° siècle sont marqués et seront marqués pour longtemps encore par l’irrésistible aspiration des peuples à disposer d’eux-mêmes.
La nation serait-elle sans danger ? Comme toute activité humaine, elle contient en germe sa déformation, sa perversion qui est le nationalisme, la haine des autres nations. Mais supprimer les nations au nom du risque, reviendrait à vouloir traiter le mal de tête par la guillotine ou à arracher les vignes pour supprimer l’alcoolisme. Et à chaque fois que dans l’histoire on a voulu corseter, supprimer les aspirations nationales, on a fait ressurgir en retour le nationalisme extrême : c’est bien cela aussi l’histoire européenne, puisqu’Hitler fut le produit direct d’un traité de Versailles qui prétendait mettre pour toujours l’Allemagne à genoux.
L’Union Européenne est aujourd’hui un échec démocratique, économique, monétaire évident. C’est l’antithèse d’une Europe des coopérations nationales souples et libres qui lui donnerait toute sa force dans le monde d’aujourd’hui.
Mais nos gouvernants, qui depuis trente ans ne croient plus à la France que dans les discours de réveillon ou de 14 Juillet , ne jurent plus que par cette chimère d’une Europe supranationale, qui ne fonctionne en réalité qu’au profit de la finance et des grands groupes qui délocalisent à bas cout, épuisant ses peuples dans une austérité et une régression sociale sans fin.
Le peuple français, qui dit non en 2005, l’a compris dans ses tréfonds. Et pour le faire encore hésiter, il ne reste que la peur. Repenser l’Europe, échapper au big Brother de la Commission Européenne, serait une aventure qui nous ramènerait au passé : celui des guerres mondiales. Redonner à la France une identité nationale regroupant tous ses citoyens quel que soient leur croyances particulières, vouloir lui redonner des frontières qui ne soit pas des murailles ni des lignes Maginot, mais les moyens de son existence nous ramènerait inéluctablement à Vichy, à la rafle du Vel d’Hiv, qui seraient la seule vérité de l’histoire de France.
Tous les moyens médiatiques et politiques ont ainsi instrumentalisé depuis trente ans, par les livres , les films, les discours, l’idée selon laquelle la Shoah serait le cœur d’une histoire nationale qu’il faudrait donc condamner , sans oublier l’esclavagisme et les guerres coloniales. Et pour que cette face sombre fasse oublier la lumière de ce que fut la France dans son passé, son message de liberté et de fraternité, rien ne vaut l’utilisation de quelques provocateurs plus ou moins dérangés pour réveiller à chaque fois le sentiment que dans l’âme de la France il ne sommeille que Philippe Pétain et la milice.
Cette utilisation systématique de la Shoah à des fins de politique européenne et ultra-libérale secrète évidemment son double : au nom de l’antisystème et du politiquement correct, en prendre le contre-pied direct en flirtant de façon plus ou moins poussée avec l’antisémitisme, la xénophobie.
Jean-Marie Le Pen a su exceller, et excelle encore, dans ce rôle de repoussoir, véritable appui et complice du système pour justifier son existence.
Mais l’acteur étant usé, il en fallait un autre, et il n’y pas d’autre explication à la mise en scène de Dieudonné par Manuel Vals. Dieudonné a bien appris de son maître pour se tenir sur une frontière mouvante qui va de la critique d’Israël et de sa politique d’occupation des territoires à la mise en cause des Juifs comme communauté et comme culture.
Il sait exploiter et dévoyer le ras-le-bol du pays contre ses dirigeants et la politique suicidaire où ils nous enferment.
Mais au lieu d’appliquer les lois existantes contre l’appel à la haine raciale, et laisser Dieudonné à son public tout de même bien limité, Manuel Vals en fait une victime, gonfle son audience.
Les Français et les Françaises ne seront pas dupes de cette manipulation. Ils ne sont ni racistes, ni antisémites. Ils veulent revivre en démocratie dans une nation qui les protège et les rassemble. Ils diront non dans les urnes aux prochaines élections européennes à ceux qui veulent les enfermer dans un faux choix : le système où les extrêmes.
François MORVAN
Vice-Président de DLR