Lundi avait lieu une réunion des ministres du travail de l’UE sur les travailleurs détachés, ces immigrés qui travaillent en toute légalité dans un pays sans en payer les cotisations sociales mais celles de leur pays d’origine. Malheureusement, l’accord conclut hier soir ne changera pas grand chose à la situation.
Un réveil très tardif
Début 2005, les partisans du Traité Constitutionnel Européen qualifiait parfois de racistes ou xénophobes ceux qui osaient brandir la directive Bolkenstein, avec la fameuse image du « plombier polonais » pour critiquer cette europe antisociale. Devant la réaction des peuples, une version moins extrême est passée en 2006. Alors que sa première version devait permettre aux immigrés de travailler aux conditions de leur pays d’origine, les technocrates fous de Bruxelles et nos dirigeants ont mis un système ubuesque en place puisque salaire et temps de travail doivent se conformer à la réglementation du pays où est exercée l’activité mais les cotisations sociales dépendent du pays d’origine !
Résultat, dans un marché unique européen soumis à la concurrence interne des pays à bas coût de l’Est, où le SMIC peut être 5 à 10 fois plus bas, un nombre grandissant d’entreprises a recours à ces travailleurs détachés. Le Parisien avait tiré la sonnette d’alarme il y a plus d’un an, citant une note du Ministère du Travail qui estimait que leur nombre réel était probablement supérieur à trois cent mille en 2011, ce qui, par extrapolation, équivaudrait à près d’un demi-millions aujourd’hui ! Agri-tempo, agence d’intérim spécialisée dans l’agriculture soutient que « les salariés polonais (…) ne sont pas redevables des cotisations sociales françaises, ce qui permet de vous proposer des prix attractifs » !
L’impact de ces travailleurs détachés est calamiteux pour la France. C’est ce qui permet à l’Allemagne, tant qu’elle n’a pas de SMIC, de faire travailler des immigrés à des salaires ridicules dans l’agriculture. Le Sénat a publié un rapport évoquant un coût « trois fois inférieurs au coût français » et une condition « d’esclave moderne ». Bravo l’Europe sociale ! Même la Fédération Française du Bâtiment demande plus de contrôles pour éviter les abus. L’effondrement du transport routier français, dont la part de marché a été divisée par trois à l’international depuis 1999, vient de cette concurrence déloyale.
Une accord ridicule et négligeable
Dans un dossier complet et bien fait, le Monde rapporte, certes avec retard, l’étendue du problème. Michel Sapin affirme de manière bien aventureuse qu’il ne fléchira pas sur la question, que « la France tient une position extrêmement ferme et travaille avec acharnement à une solution », que « nous ne voulons pas laisser la concurrence déloyale s’installer et précariser les systèmes sociaux des pays avancés ». Mais quelle crédibilité donner à ceux qui ont voté tous ces traités et accepter toutes ces directives européennes et qui se réveillent avec tant de retard, pas faute d’avoir été alertés ?
La portée de l’accord trouvé hier est totalement ridicule et négligeable. Michel Sapin revient avec un accord limité aux sanctions contre ceux qui ne respectent pas la loi. Les Etats gagnent le droit aussi dérisoire qu’ubuesque de demander les documents qu’ils veulent aux entreprises pour vérifier qu’elles ne fraudent pas !!! Parce qu’ils ne le pouvaient pas avant ? On se demande dans quel monde vit le ministre pour oser présenter cela comme une victoire. C’est à croire que bientôt Bruxelles fixera les heures où les ministres ont le droit d’aller manger, pour ne pas dire plus…
Il faut dire que Barroso avait appelé la France « au réalisme » la semaine dernière. Dans ce dossier encore, le gouvernement se moque du monde. Une véritable réforme, ce serait d’aligner totalement les conditions de travail de ces travailleurs détachés sur celles du pays où ils travaillent, leur faire payer les cotisations sociales en France (on ne voit pas bien pourquoi ils ne le devraient pas) et permettre à chaque état de décider de la quantité de ces travailleurs qu’ils laissent entrer sur place, ce qui nécessiterait, en outre, la remise en place de contrôle aux frontières et la fin de l’espace Schengen.
Bref, comme avant, les ministres d’agitent pour faire croire qu’ils s’occupent des problèmes de la France. Mais dans la réalité, ils ont abandonné tellement de pouvoirs à Bruxelles qu’ils en sont réduits à discuter de détails insignifiants, laissant faire cette monstruosité antisociale que sont les travailleurs détachés.