Hier, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche dit projet de loi Fioraso (du nom de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) par 289 voix (les socialistes et les chevènementistes, plus inspirés en d’autres temps sur ces questions) contre 248 (venue de l’ensemble des autres groupes y compris les Verts). Nicolas Dupont-Aignan a bien évidemment voté contre. En l’affaire, Debout la République est le SEUL PARTI a être totalement hostile et sans aucune restriction à cette loi dramatique qui s’articule parfaitement, et pour cause, avec la future loi, bien mal nommée, dite de refondation de l’école de la République. Nous invitons d’ailleurs les lecteurs qui en douteraient à visionner la video de l'épisode 2 de notre série "Changer de politique, c'est possible"
L’article 2 sur les cours en anglais du projet Fioraso a provoqué une fronde à laquelle nous avons participé, parmi les premiers (Lettre ouverte à la ministre que j’ai rédigée en février, tribune des 30 parlementaires dont NDA ou encore le blog de NDA sur l’anglais dans la loi Fioraso) et qui mit l’émoi dans toute la francophonie du Québec à l’Asie en passant par l’Afrique noire (saluons ici Abdou Diouf l’ancien président du Sénégal et président de l’Organisation internationale de la francophonie). Même les Anglo-Saxons se sont étonnés de cette capitulation en rase campagne, c’est dire ! L’adoption in extremis d’un amendement a permis de limiter la catastrophe, mais le mal est fait. Il ne faudrait cependant pas que le débat autour de cet article occulte le reste. Cette loi dans son ensemble est dramatique pour la France et sa jeunesse. Quelques mots la caractérisent : démagogie, culte du chiffre et de la statistique, manque de courage, économies masquées mais absence complète de budgétisation, mélange étrange de libéralisme avec par exemple une marchandisation des enseignements et de bureaucratisme totalement dépassé, paralysie institutionnelle, déclin du savoir et des formations, renoncement à préparer la France aux défis de l’avenir alors que la ministre ne cesse précisément d’annoncer l’inverse. Le langage hypocrite et intellectuellement malhonnête atteint ici des sommets. Ceux qui connaissent vraiment l’enseignement supérieur et la recherche ne peuvent s’y tromper.
Relevons quelques points :
- Aménagements de l’autonomie des Universités qui non seulement ne corrigent pas les plus grands travers de la loi LRU adoptée sous Nicolas Sarkozy, mais qui ôtent en plus des moyens et des marges de manœuvre qu’elle leur avait donnés.
- Refus d’aborder globalement la segmentation de l’enseignement supérieur français entre les classes préparatoires, les grandes écoles et les écoles privées d’une part et les Université de l’autre (la ministre a même largement reculé sur la valorisation des doctorats devant la levée de boucliers des lobbies y compris au sein même de son ministère).
- Massification de l’enseignement supérieur par le biais de l’ouverture complète des Universités avec un objectif de 50 % de licenciés obtenus en autorisant tous les bacheliers quel que soit leur baccalauréat (d’enseignement général, technique, professionnel) à accéder à n’importe quelle filière universitaire alors que le problème de l’égalité des chances doit se traiter très en amont et en aval mais certainement pas à ce niveau-là.
- En conséquence, secondarisation du premier cycle universitaire avec possibilité pour les étudiants de choisir des unités de complaisance comme l’engagement collectif (entendez par là l’activité syndicale) pour obtenir leur diplôme.
- Culpabilisation des enseignants rendus responsables du faible niveau des étudiants qu’ils auront à accueillir et qui iront se former au pédagogisme sur les bancs des futures ESPE (Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation) au détriment de leur connaissance disciplinaire, du temps qu’ils pourraient consacrer à l’encadrement de leurs étudiants et de leurs recherches.
- Fermeture ou marginalisation progressive avant fermeture de certaines filières d’excellence sous prétexte qu’elles attirent peu d’étudiants (latin, grec, langues vivantes rares, mais aussi génie électrique,…). Notons ici que le gouvernement n’a pas attendu le vote et la promulgation de la loi pour agir. Le CAPES de lettres classiques n’aura pas lieu !
- Absence d’une politique sérieuse du stage professionnalisant et encadré par l’établissement d’enseignement.
- Refus de se donner les moyens de lutter contre la fuite des cerveaux en particulier vers le monde anglo-saxon.
- Refus d’une politique d’envergure à l’égard des partenaires et des étudiants de la francophonie.
- Gouvernance de l’Université confiée à un président et deux conseils et qui amènera, selon les cas, à l’hyper-présidentialisme ou à la paralysie.
- Refus de confier l’évaluation du système à un organisme totalement indépendant qui pourrait émettre des critiques justes et constructives.
- A l’inverse, fermeture des classes préparatoires qui deviendront payantes (reconnaissons toutefois ici que le gouvernement ne voulait pas de cette mesure que la coproduction parlementaire a fait entrer dans la loi).
Sans parler des effets déplorables pour le rang de la France, que les parents ne s’attendent donc pas à une démocratisation du système… la loi si elle passe en l’état aura l’effet inverse. Que les étudiants ne s’attendent pas non plus à trouver plus facilement leur place sur le marché du travail… c’est le contraire qui les attend !
Le Sénat examinera à son tour ce texte à partir du 18 juin. Le gouvernement a décidé d'utiliser la procédure accélérée, une commission mixte paritaire Assemblée-Sénat sera ensuite convoquée afin de mettre au point un texte qui sera quant à lui soumis aux députés et sénateurs pour son adoption définitive avant la fin juin. Le calendrier est très défavorable à une mobilisation massive et efficace puisque l’année universitaire touche à sa fin et en cela le gouvernement a été plus habile que d’autres. Cette question arrive après la très clivante loi sur le mariage homosexuel et ne remuera pas les foules. Cependant, en dehors des syndicats étudiants et enseignants proches du PS, tous les autres à gauche, au centre et à droite sont hostiles. Ne désespérons pas non plus du palais du Luxembourg… A Debout la République, nous nous associons par avance, dans le strict respect de la légalité républicaine, à tous les mouvements de protestation contre cette loi mortifère pour notre enseignement supérieur, pour l’avenir de nos enfants et pour la grandeur de la France.
Eric Anceau
Délégué national à l’Assimilation et à la Cohésion nationale