En catimini le gouvernement socialiste s'apprête à porter un coup dur à la langue française. Dans un projet de loi a priori abscons, Geneiève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur, écrit en filigrane que le français serait un obstacle à l'attractivité de notre pays pour les étudiants étrangers. Un comble quand on sait que nombre de jeunes gens viennent en France justement pour la richesse de notre langue et le rayonnement de notre culture.
Sous le prétexte d'internationalisation de l'enseignement, les socialistes veulent remplacer le français par l'anglais comme langue de référence dans l'enseignement supérieur. Debout la République ne pouvait pas rester passif face à cette énième attaque contre notre cohésion nationale. Non seulement cette loi ne va aucunement accroitre l'attractivité de notre enseignement, mais elle va en plus affaiblir le niveau de maitrise du français chez les jeunes générations.
Dans cette lettre ouverte à Madame Fioraso et aux sénateurs socialistes, Eric Anceau et Marion Sigaut, membres du Bureau national de DLR, prennent au nom de tous les adhérents et sympathisants de DLR la défense de notre patrimoine commun : la langue française.
Lettre ouverte à Madame le Ministre Geneviève Fioraso et aux sénateurs PS sur leur volonté de réduire la place du français dans l’enseignement supérieur et la recherche
Stendhal écrivait que le premier instrument du génie d’un peuple est sa langue. Nous craignons, Madame la ministre et Mesdames et Messieurs les sénateurs socialistes, que vous n’ayez pas assez médité cette phrase.
Au fur et à mesure que le temps passe, les craintes que nous formulions voilà quelques semaines sur votre projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, Madame la ministre, ne font que se renforcer, puisqu’il porte maintenant une grave atteinte à la place de la langue française dans nos établissements d’enseignement supérieur. Plutôt que de vous attaquer aux vraies raisons qui font décliner notre pays et souffrir nos compatriotes, vous cherchez à les inscrire un peu plus chaque jour dans la globalisation dont les prix à payer sont la marchandisation de toutes les activités, y compris les plus précieuses, celles de la connaissance et de la culture, et le nivellement par le bas.
Jusqu’à aujourd’hui, le Code de l’éducation affirme dans son article L 121-3 que :
- La maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l'enseignement.
- La langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers. Les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des élèves de nationalité étrangère, ainsi que les établissements dispensant un enseignement à caractère international, ne sont pas soumis à cette obligation.
Désormais, se verrait ajouter, par vos soins, à la fin du premier alinéa du paragraphe II: « ou lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l’article L. 123-7 ou dans le cadre de programmes bénéficiant d’un financement européen, ou par l’intérêt pédagogique de cette démarche, ou lorsque les enseignements sont destinés à un public international. Dans ces deux derniers cas des enseignements permettant aux étudiants francophones d'acquérir la maîtrise de la langue d'enseignement sont mis en œuvre. Lorsque les enseignements ne sont pas assurés en français, l’établissement doit organiser, à destination des étudiants étrangers qui ne maîtrisent pas bien le français, un parcours de formation destiné à leur permettre la maîtrise du français ».
Ainsi, l’enseignement dans une langue étrangère (principalement l’anglais, on l’aura compris) serait non seulement permis dans nos Universités, mais deviendrait la norme dès lors qu’un partenaire étranger ou qu’un financement européen y serait associé. Notons au passage que celui-ci est en réalité français puisque notre pays est contributeur net au budget européen. Cela reviendrait à financer nous-mêmes l’expulsion de la langue française de l’enseignement supérieur et de la recherche, en d’autres termes, à nous suicider !
Cependant pour certains de vos amis, cela ne suffisait pas encore. Nous nous sommes sentis obligé, Mesdames et Messieurs les sénateurs socialistes, de vous rendre aussi destinataires de cette lettre puisque trente-six d’entre vous, dont l’un des vice-présidents délégués, avez déposé sur le bureau du Sénat, le 12 février dernier, une proposition de loi « relative à l’attractivité universitaire de la France » qui aggrave encore le projet initial avec votre assentiment, Madame la Ministre. Comme l’indique clairement votre exposé des motifs, il s’agit à vos yeux de renforcer la place de la France dans la concurrence internationale. L’article 6 de votre proposition ajoute le passage suivant à l’article L. 761-1 du Code de l’éducation : « par dérogation à l’article L. 121-3 [celui cité plus haut], la langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires, dans les établissements d’enseignement supérieur, peut être une autre langue que le français. Pour les étudiants ne justifiant pas d’une connaissance suffisante du français, lorsqu’ils suivent une formation dispensée dans une langue étrangère, cette dérogation est soumise à l’obligation de suivre un cursus d’apprentissage de la langue et de la culture françaises ».
Si le texte est voté et promulgué, les étudiants étrangers qui viendront en France n’auront plus d’effort à faire pour s’exprimer en français et comprendre notre culture. Ils ne feront plus rayonner notre pays en retournant chez eux. Or, il suffit de dialoguer avec eux pour se rendre compte qu’ils sont demandeurs, qu’ils n’aspirent qu’à devenir nos meilleurs ambassadeurs. Au lieu d’attirer des enseignants et des étudiants étrangers, vous les ferez fuir vers d’autres pays. Pour découvrir notre gastronomie et notre folklore, point n’est besoin de venir étudier ou travailler chez nous, quelques jours de tourisme suffisent.
En outre, il sera désormais possible qu’un étudiant français suive, en France, une formation en anglais sans connaître aucun des termes spécifique à sa discipline… dans la langue française ! Croyez-vous que le niveau de nos étudiants soit suffisant pour se permettre de leur dispenser un enseignement dans une autre langue alors que beaucoup d’entre eux ne maîtrisent justement pas les rudiments de la leur ?
Méconnaissez-vous à ce point cette vérité élémentaire que le recours à l’anglais lorsque les interlocuteurs ne sont anglo-saxons ni l’un ni l’autre entraîne une double traduction, source évidente d’erreurs et d’appauvrissement ? Indépendamment d’une contribution au développement du globish, vous imaginez-vous réellement permettre un progrès quelconque dans la connaissance réelle de l’anglais, sauf pour quelques privilégiés qui pourront s’offrir des cours particuliers et des séjours dans le monde anglo-saxon ? Ne vous rendez-vous pas compte que la compétence linguistique primera la compétence scientifique alors que ce que nous vivons tous les jours avec le monde de la finance aurait dû vous alerter, les mêmes causes produisant le plus souvent les mêmes effets ? Croyez-vous réellement apporter une pierre à l’édifice socialiste en augmentant les inégalités et en coupant encore davantage des masses l’élite mondialisée et hors-sol que vous dénonciez quand vous étiez dans l’opposition et en campagne électorale ?
Permettez-moi de vous dire au contraire que selon la belle formule d’Umberto Eco, « la langue de l’Europe, c’est la traduction » et pas l’anglais, que la lutte contre le communautarisme, le chômage et la précarité passe par le renforcement du français, que la précision des mots de notre langue en fait une langue de culture mais aussi de science, qu’elle a produit un René Descartes, un Victor Hugo ou un Louis Pasteur, mais aussi qu’elle a permis à une Marie Curie, un Eugène Ionesco, un Henri Troyat, un Milan Kundera, un Georges Charpak, un Hector Bianciotti ou un François Cheng de produire une œuvre mondialement reconnue.
Lorsque l’on se méprise soi-même comment espérer que les autres vous respectent ? N’oubliez pas, Madame la ministre, que vous êtes pour partie l’héritière ès qualité de Jules Ferry auquel le président Hollande rendait hommage en prenant ses fonctions. Vous envoyez un signal négatif à tous ceux qui, par le monde, voudraient apprendre le français, vous sapez la politique de la francophonie alors même que nos amis québécois ou africains sont si fervents, vous risquez de contribuer à faire de la France une simple province d’un vaste ensemble euro-atlantiste anglophone et de ravaler notre langue qui est celle des droits de l’homme et de l’olympisme au rang de l’idiome.
Permettez-nous de citer un écrivain que l’actuel hôte de l’Elysée aime autant, croyons-nous, que l’aimait François Mitterrand, Léopold Sedar Senghor. Á la question « Pourquoi écrivez-vous en français ? », il répondit dans Éthiopiques : « Parce que nous sommes des métis culturels. Parce que si nous sentons en nègre, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, la langue de la civilisation de l’universel. » En un mot comme en cent, Madame la ministre et Mesdames et Messieurs les sénateurs socialistes, n’entraînez pas le pays, un peu plus, sur la voie de la capitulation et renoncez à vos funestes projets. Sachez résister comme nous-mêmes.
Eric AnceauMembre du Bureau national de DLRDélégué national à l'Assimilation et à la Cohésion nationaleMarion SigautMembre du Bureau national de DLRDéléguée nationale à la Vitalité de la Langue française