Après la publication d’une première étude début novembre, Olivier Blanchard, chef économiste du FMI vient de publier un papier qui critique plus encore les politiques d’austérité longtemps défendues par son employeur, et appliquées sévèrement en Europe malgré de nombreux avertissements.
Pourquoi l’austérité ne marche pas
C’est une véritable révolution copernicienne qu’a faite le chef économiste du FMI, Olivier Blanchard, (qui avait proposé de remonter l’objectif d’inflation). Alors que l’institution de Washington a toujours plaidé pour des politiques d’ajustement extrêmement sévères d’un point de vue budgétaire, il vient de reconnaître que l’expérience démontre que ces politiques peuvent être contre-productives du fait de leur effet récessif, qui avait été largement sous-estimé dans les modèles économiques.
Pour être un peu plus technique, comme je l’avais expliqué en novembre, dans ses modèles antérieurs, le FMI estimait qu’un plan d’ajustement budgétaire de 1% du PIB avait un multiplicateur de 0,5, c’est à dire provoquait une baisse du PIB de 0,5%. Du coup, du fait de l’impact d’une moindre croissance sur les recettes fiscales et les dépenses fiscales, l’effet net de cet effort atteignait environ 0,75% du PIB. Bref, les pays souffraient, mais l’effort semblait efficace.
Le problème est que l’expérience a démontré que ces modèles théoriques étaient faux. Olivier Blanchard estime que désormais que le multiplicateur est plutôt de 0,9 à 1,7. Le problème est que quand il est dans le haut de l’échelle, l’effort d’austérité est extrêmement contre-productif, la contraction de l’activité étant très forte et la réduction du déficit limitée. C’est exactement ce qui se passe en Grèce, en Espagne ou au Portugal, où le déficit ne baisse pas plus qu’aux Etats-Unis.
L’Europe dans une impasse
L’aveu du FMI a sans doute fait plaisir à Joseph Stiglitz, qui avait largement critiqué ces politiques dès 2001 dans son livre « La Grande désillusion », avant de les dénoncer à nouveau dans le rapport commandé par les Nations Unies en 2009 et à Paul Krugman, qui dénonce dans son dernier livre les politiques austéritaires. D’ailleurs, comme le rapporte Libération, il a réagi sur son blog à cette publication en affirmant que le FMI « a le mérite de vouloir repenser sa position à la lumière des faits ».
Mais le « prix Nobel d’économie » 2008 souligne aussi que « la véritable mauvaise nouvelle, c’est que bien peu d’autres acteurs font la même chose. Les dirigeants européens, qui ont créé des souffrances dignes de la crise de 1929 dans les pays endettés sans restaurer la confiance financière, persistent à dire que la solution viendra d’encore plus de souffrances ». Le pire est que tout ceci était prévisible, comme l’écrit Jack Dion : Nicolas Dupont-Aignan l’avait annoncé en mai 2010.
Le plus effarant est de constater que le gouvernement « socialiste » s’accroche désespéremment à ces politiques austéritaires malgré l’admission de leur échec par le FMI. Pierre Moscovici ou Jérôme Cazuhac côté gouvernement, Valérie Rabaud ou Karine Berger côté Assemblée, sont incapables d’en tenir compte et de relâcher la pression au niveau du déficit, ce qui risque de faire basculer l’économie dans la récession et d’envoyer des centaines de milliers de personnes au chômage.
Bien sûr, il faut respecter l’argent public et le gérer avec rigueur. Mais depuis trois ans, les politiques austéritaires menées en Europe nous mènent dans le mur. Même le FMI vient de le reconnaître. Il est proprement stupéfiant que le gouvernement soit incapable de l’admettre.
Laurent Pinsolle
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l'Equilibre des Comptes publics et au Patriotisme économique