Prisonnier d'un gouvernement totalement opposé au protectionnisme, Arnaud Montebourg s'est illustré dernièrement en arborant fièrement une marinière Armor-Lux, une montre Herbelin et un robot Moulinex, devant les couleurs du drapeau national.
Certains ont pu trouver cette mise en scène déplacée, excessive, voire ridicule. Pour faire passer le message qu'il devenait nécessaire de "produire en France", peut-être fallait-il grossir un peu le trait ? Quoi qu'il en soit, si la forme pouvait paraître contestable, l'objectif était louable. Une question reste en suspens, cependant : que peut-on attendre d'un ministre qui demeure pieds et poings liés malgré ses coups d'éclat médiatiques ?
"Made in France" : une idée qui n'a rien de nouveau
Pendant trop longtemps, les idéologues libéraux ont essayé de nous persuader que la France pourrait très bien se passer de ses usines, qu'il suffisait de s'adapter et de ne miser que sur les services et les nouvelles technologies pour retrouver sa place au soleil.
Cette illusion tragique est l'un des facteurs ayant conduit notre pays à la débâcle industrielle que nous connaissons actuellement. Les fermetures d'usines incessantes suscitent colère et désespoir ; les citoyens ne croient plus aux fables passées et cherchent des réponses.
Il n'aura pas fallu attendre le réveil tardif de certains hommes politiques comme François Bayrou pour que le débat sur la nécessité de relocaliser notre appareil productif ait lieu. Dans les années 90, les chambres de commerce et d'industrie diffusaient déjà leur slogan "Nos emplettes sont nos emplois".
Plus loin encore, dans les années 80, le Parti communiste (PC) commençait à communiquer sur le sujet. Le message "Ils ferment nos usines. Ils investissent à l'étranger. Fabriquons Français" était limpide et d'une implacable logique.
Compter sur des "achats citoyens" n'est pas suffisant
Pour aider à relocaliser notre industrie, Arnaud Montebourg propose diverses pistes. Il préconise d'abord de créer dans les supermarchés des rayons de produits fabriqués en France. Il s'agirait donc de parier sur le civisme des consommateurs, sans pour autant les contraindre.
L'idée peut sembler intéressante et éventuellement contribuer à éclairer les choix des hésitants, mais comme le rappelait François Ruffin dans son excellent livre "Leur grande trouille" :
"Sitôt franchi le seuil d'une supérette, le citoyen s'évanouit. On réagit avec notre porte-monnaie. On remplit nos chariots de marques tambourinées à la télé. Aucun civisme des consommateurs n'a imposé la Sécu. Ou la retraite à 60 ans. Ou la fin du travail des enfants. Il a fallu des lois."
L'aventure de "S'il vous plaît, merci" est une illustration parfaite de cette triste réalité. Notons tout de même que créer des rayons de ce type pourrait éventuellement permettre aux acheteurs de prendre conscience de la catastrophe industrielle qu'a connue notre pays ces 30 dernières années : en constatant la petitesse de ces rayons, ils découvriraient par la même occasion l'ampleur des dégâts et l'impasse dans laquelle les politiques actuelles nous mènent.
Mettre en place un protectionnisme intelligent
Une autre piste, plus audacieuse, est envisagée par le ministre du Redressement productif. Fidèle à sa campagne menée lors des primaires socialistes, il veut réduire l'importation de certains produits. Autrement dit, il espère remettre sur le devant de la scène la question du protectionnisme.
Pour rétablir la loyauté de l'échange, il estime qu'il est nécessaire de cesser de pécher par naïveté et de ne plus ouvrir nos frontières à tous les vents. L'idée est tout à fait louable. Problème : sur cette question, il est extrêmement isolé au sein du Parti socialiste (PS) et du gouvernement.
Le PS est en effet atteint par la phobie du terme "protectionnisme". François Hollande le considère comme une "menace". Martine Aubry pense que "ça ne marche pas". La députée Karine Berger affirmait sur Arte le 24 octobre dans l'émission "28 minutes" qu'elle donnait à ce mot le sens de "refus de l'échange". Ce blocage idéologique et ces caricatures, alors même que la France voit ses emplois fondre comme neige au soleil, sont très inquiétants pour l'avenir du pays.
Par ailleurs, le fait que les délocalisations se fassent parfois à l'intérieur même de l'Union européenne (UE) devrait amener ceux qui militent pour un protectionnisme européen à revoir leur position : il n'aurait pas empêché Green Sofa de vouloir quitter Dunkerque ni Electrolux de fermer son site de Revin.
La solution passe par le seul cadre dans lequel une politique économique et industrielle peut avoir du sens : le cadre national. La Corée du Sud – 50 millions d'habitants – n'a pas attendu l'autorisation de ses puissants voisins chinois ou japonais pour se protéger tout en continuant de commercer avec le reste du monde.
Un obstacle : l'Union européenne
Quand bien même l'idée d'un protectionnisme intelligent parviendrait à gagner les esprits, sa mise en œuvre se heurterait à une quantité de contraintes que les gouvernements successifs se sont eux-mêmes imposés. Au premier rang de celles-ci, nous retrouvons bien entendu l'Union européenne (UE).
À peine Arnaud Montebourg avait-il pu s'exprimer sur ses intentions qu'un obscur commissaire européen, Karel de Gucht, qui ne dispose pas de la moindre légitimité démocratique puisqu'il n'est pas élu, lançait une salve de critiques.
Selon lui, "fermer les frontières serait un retour au moyen-âge". Réindustrialiser la France serait impossible "avec les 35 heures et sans résoudre le problème des coûts salariaux".
Et s'il vient à l'idée d'un gouvernement élu d'aider certaines de ses industries ? "S'il tente de le faire, il va trouver Bruxelles et le commissaire à la Concurrence Joaquin Almunia sur sa route ! L'absence de subventions nationales est l'une des clefs du marché unique européen. Ce n'est pas moi qui l'ai édicté, ce sont les États membres eux-mêmes. M. Montebourg plaide contre les règles de l'UE."
L'autoritarisme insupportable du commissaire européen doit nous conduire à prendre conscience qu'aucune solution viable ne pourra être trouvée dans le cadre des traités actuels, par ailleurs totalement illégitimes depuis le "non" Français au référendum de 2005.
Si nous voulons sauver ce qu'il reste de notre industrie et partir à la reconquête des emplois perdus, il est, plus que jamais, nécessaire de se libérer du carcan de contraintes imposées par l'UE le plus rapidement possible.
Yohann Duval
Adhérent à Debout la République