Le dialogue républicain est un devoir citoyen

Est-il légitime -à défaut d’être efficace- que les citoyens d’une même république, notamment leurs responsables politiques, décident de refuser tout échange avec une partie importante (près d’1/5) des citoyens, ainsi, ce qui revient au même, qu’avec les représentants élus de ces citoyens ? Autrement dit l’archaïque ostracisme ?

Est-il légitime – à défaut d’être responsable- alors que cette république est niée dans ses principes mêmes, promise très ostensiblement à la disparition (et en tout cas déjà en proie aux affres de l’agonie économique et sociale), que des citoyens qui ont en commun les mêmes refus de la soumission aux puissances extérieures, se divisent en factions hostiles là où seule la coordination –à défaut d’union- pourrait différer, d’abord, renverser, ensuite, l’effondrement en cours ? Pendant les disputes, qui garde le rempart ?

 

Leçon d’histoire

La France s’est construite et maintenue par sa capacité, alors que tout semblait terminé et sa disparition scellée, à s’unir in extremis.

1. Pour ne parler que de la période républicaine, somme toute assez brève, de cette histoire, Kellermann, vieux général qui aura 2 chevaux tués sous lui, réussit à unir, à Valmy l’armée royaliste (alors que le roi vient d’être arrêté), l’antique chevalerie provinciale, et une cohue de patriotes, paysans, artisans, gamins, qui découvraient le feu et dont certains n’avaient que des armes blanches hétéroclites. Au cri légendaire de « Vive la Nation ».

Cela suffira à stopper l’avancée des Prussiens, Autrichiens, et autres Français émigrés qui trahissaient leur pays (déjà). L’histoire de la France républicaine pouvait commencer. Et Goethe témoigner du « début d’une nouvelle époque de l’histoire du monde ».

2. Dans la guerre qui s’engage, la France aura pour elle le Droit…Elle sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera, devant l’ennemi, l’union sacrée, et qui sont aujourd’hui fraternellement assemblés dans une même indignation et dans une même foi patriotique…

Raymond Poincaré
Message du Président de la République aux Assemblées
4 août 1914

Et les Français se vouèrent à  cette « Union sacrée » : à défaut de gagner la paix, ils gagnèrent la guerre.

3. En 1944, le programme du Conseil national de la Resistance est adopté. Des hommes de droite, des royalistes, des Croix de Feu y participent aux côtés des Gaullistes, des socialistes (et même des ex-pacifistes)et des Communistes. Ces derniers, à qui on était tenté de reprocher ce pacte entre les nazis et l’Union soviétique communiste, qu’ils avaient approuvé quelques années plus tôt, renoncent publiquement à toute référence à la lutte des classes « pour ne pas donner des motifs de division entre Français ».

 

Leçon d’espoir

Le village gaulois sait s’unir quand le drame est imminent. Or, nous ne sommes plus dans l’imminence. Notre pays est dans l’urgence extrême, politique, économique, industrielle, agricole et sociale. Sans parler de la sécurité publique.

Serons-nous de la trempe de nos pères ? Ou serons-nous ceux qui refuseront de marcher au canon ? Qui quitteront leur rang ? Qui polémiqueront sans fin, ressasseront à l’infini, comme des vieillards, des haines recuites, des exclusions qui nous servent de prétexte au défaut d’action ? Coups de menton, postures, aigreurs, tremolos et héroïsme par procuration, claquements de portes, communiqués, rancœurs mi-séculaires, auto délivrance infantiles de brevets de patriotisme (chacun plus que l’autre), démissions, ne sont plus de saison.

Depuis le referendum de Maastricht la France attend les hommes politiques responsables et courageux (lire ce qui précède, si on ne sait pas ce que cela veut dire), qui sauront dépasser leurs parcours et leurs vocabulaires politiques usuels, pour retrouver l’élan français et républicain, car la Patrie est en danger. Maintenant.

Il est temps de porter nos pas vers une union nationale des Français républicains. Dans les circonstances que nous subissons et qui vont devenir insupportables, refuser le dialogue républicain serai une « coquetterie » qui n’est plus de mise. L’histoire (et nos enfants en premier lieu) nous jugera sur notre capacité à nous hisser au niveau de nos pères.

Continuerons-nous à manquer toutes les occasions qui se présentent de refuser collectivement la mondialisation, la financiarisation qui sont les  objectifs cachés de la Commission européenne ? Et celles de mettre un terme à la création d’un Etat fédéral, objectif, lui, annoncé, comme l’est aussi la méthode du Coup d’état permanent par la Commission ?

Quiconque refuserait, à présent, le dialogue républicain commettrait, outre un péché de vanité, la faute d’un abandon de poste. Ce dialogue républicain doit-il s’entreprendre sans conditions, sans précautions avec tous ? Non, bien sûr :

-D’abord il ne s’agirait pas de fusionner quiconque avec d’autres forces politiques, mais de rechercher des actions communes (pour un referendum, par exemple ; les Français y sont favorables à plus de 60%°),

– Ensuite il n’est pas question de mettre en œuvre des actions communes avec qui ne serait pas républicain et ourdirait ouvertement des menées anti républicaines : les fascismes noirs, rouges ou verts (islamistes). Des preuves sont aisées à découvrir dans les programmes et les déclarations publiques des mouvements. Mais de simples suspicions ne doivent pas suffire. Pas de procès d’intention, méthode de l’inquisition.

Des sujets qui peuvent diviser (l’immigration notamment), il faudra bien parler aussi et accepter des désaccords (et il n’est même pas sûr qu’ils soient si profonds, si on l’aborde sous l’angle des mesures concrètes : personne ne dit qu’elle doit rester massive et incontrôlée).

6 Enfin, il faudra que chaque mouvance – de la gauche dure à la droite dure – accepte de modifier son vocabulaire (comme le fit le PC en 1944), de ravaler son histoire personnelle, cesser les provocations inutiles et gratuites, pour se concentrer sur l’essentiel : la reconquête de ce droit si chèrement conquis par notre peuple ; celui de se gouverner par lui-même.

N’est-ce pas cela même, la République, que nous avons tous en dépôt et en partage ?

 

Henri Temple
Avocat et Universitaire
Délégué national DLR aux Affaires étrangères