Monsieur Guaino, plume quelquefois talentueuse du Président de la République, ne chôme pas en ce moment !
Après la commémoration du 600ème anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc, voici que Nicolas Sarkozy a célébré le 100ème anniversaire de la naissance de Michel Debré.
Dans un cas comme dans l’autre, le Président de la République ne se contente pas d’honorer des personnages ou personnalités qui méritent la reconnaissance de la Nation ; dans le contexte électoral actuel, il n’hésite pas à se coiffer de leur couronne de laurier, même si elle est un peu large pour lui.
Pour qui connaît un peu ce qu’a été le viatique de la Pucelle d’Orléans ou la pensée et l’action de Michel Debré (ce qui est le cas de Monsieur Guaino mais beaucoup moins de Monsieur Sarkozy) il s’agit d’une manipulation grossière et assez indigne et en fin de compte d’une farce pathétique émanant d’un candidat aux abois et prêt à tout devant l’échéance présidentielle.
Car enfin, qu’y a-t-il de commun entre l’humble héroïne inspirée de Domrémy qui « portait la France en elle comme elle portait sa foi » et un politicien ostentatoire qui ne rêve que de garder le pouvoir?
Point n’est besoin de longue démonstration. Il suffisait de voir le Président goguenard entouré d’une Nadine Morano rigolarde et d’un Gérard Longuet déclarant « il faut y être pour des raisons symboliques, mais il n’est pas nécessaire de s’y éterniser », pour comprendre qu’il s’agissait d’une opération politique et que le discours de circonstance ne serait pas du Malraux !
Mais nous avons atteint le summum de la malhonnêteté intellectuelle et de l’usurpation à Amboise. Jean-Louis Debré ne s’y est d’ailleurs pas trompé et a préféré ne pas assister à une telle mascarade.
Ce n’est pas une mince ironie de l’Histoire qu’au même moment où Nicolas Sarkozy fait perdre le sacro-saint triple A à la France, il vienne se réclamer de celui qui déclarait dans la présentation de son programme de Gouvernement, le 15 janvier 1959 à l’Assemblée Nationale « Il n’est pas d’indépendance nationale, c'est-à-dire qu’il y a risque de servitude, si la vie quotidienne du pays dépend de prêts ou de dons de l’étranger ». Il eut été utile que le Président de la République s’inspirât de Michel Debré avant la fin de son mandat !
N’est-ce pas non plus contradictoire avec le sens de l’Etat de Michel Debré que de profiter de cette commémoration pour se transformer en simple candidat de l’UMP et d’attaquer frontalement l’adversaire socialiste ? Doit-on rappeler que Michel Debré lançait cet avertissement ce même 15 Janvier 1959 « La République nous impose une obligation. Il est nécessaire dans l’intérêt national de faire échapper les problèmes vitaux aux dissensions partisanes, en quelque sorte de dépolitiser » !
Non, décidément, il n’y a rien de commun entre le Michel Debré que nous avons connu et soutenu et Monsieur Nicolas Sarkozy qui a eu l’audace de prononcer son discours devant ce qui tient lieu de drapeau européen ! Mais comment peut-on se prévaloir de celui qui fut le champion du combat contre l’Europe supranationale quand on est à l’origine du Traité de Lisbonne et comment peut-on se trouver un quelconque point commun avec celui qui avait Jules Grévy comme référence quand on a bafoué les principes de la République pendant cinq ans ?
Michel Debré était un homme d’Etat passionné, imprégné des valeurs républicaines, animé par la certitude que la France devait être libre et indépendante si elle voulait compter dans le rang des Nations. Sa vie, ses discours, ses combats et son action sont empreints de cette passion. Il se faisait de la politique une idée exigeante. « Assurer la dignité et la liberté de la personne humaine est le premier devoir politique ».
Vrai Chef de Gouvernement, aucun domaine n’échappait à la vigilance de Michel Debré. S’il fut le Premier Ministre le plus réformiste de la Vème République, il était aussi très attaché aux valeurs traditionnelles dont la famille aujourd’hui complètement abandonnée par le Président en place et promise à un triste sort par son principal concurrent.
Ministre à de nombreuses reprises, Député, Michel Debré défendit sans relâche la souveraineté nationale face aux appétits supranationaux et la nécessité de maintenir un Etat fort face aux partisans de la dissolution de l’unité nationale. Il créa pour cela le Comité pour l’Unité et l’Indépendance de la France.
En 1981, contre Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, considérant que les politiques menées ou proposées n’étaient pas conformes aux intérêts de notre pays, il se présenta à l’élection présidentielle pour faire passer un message de vérité et de courage. « Vrai », tel était son slogan. Imagine-t-on un seul instant Nicolas Sarkozy le reprenant sans que le peuple se torde de rire ?
Michel Debré appartenait à une race d’hommes politiques qui ont hissé la France au plus haut niveau. C’est pourquoi il méritait un hommage d’une qualité et d’une hauteur qui ont fait cruellement défaut au discours orienté et déplacé du Président de la République. Mais en fin de compte, n’a-t-il pas tout simplement confirmé aux Français ce qu’ils constatent depuis cinq ans : Nicolas Sarkozy n’est qu’un politicien, chevronné et sans scrupule, qui se situe à des années lumières de la dimension de ceux auxquels il aimerait être comparé.
Dominique Laporte,
Ancien membre du Comité pour l’Indépendance et l’Unité de la France créé par Michel Debré
Ancien président du Comité de Soutien des Jeunes du Loiret à la candidature de Michel Debré aux élections présidentielles de 1981
Secrétaire Départemental de Debout La République – Alpes Maritimes