Sur le fond, comment ne pas être favorable à la taxe Tobin ? Elle peut faire davantage contribuer la finance à la collectivité, ce qui ne serait que justice, et réduire la spéculation. Mais le débat précipité sur ce sujet révèle toutes les incohérences et les failles du système actuel et des grands partis.
Mauvaises raisons
Pourquoi diable Nicolas Sarkozy se presse-t-il autant pour mettre en place une Taxe sur les Transactions Financières ? En effet, quel président sortant lance une réforme d’une telle ampleur en espérant la boucler début mars, à peine un mois et demi avant le premier tour de l’élection présidentielle ? D’abord, il est bien évident que cela lui permet d’occuper le terrain et d’essayer de passer au second plan son bilan et que cela lui permettra de dire qu’il a gouverné jusqu’au bout.
Mais ce n’est pas tout. Pousser cette réforme répond à deux autres objectifs pour le président sortant. Tout d’abord, elle permettrait de réduire un peu les déficits, ce qui correspond au nouveau discours rigoriste de l’équipe au pouvoir, malgré les dérapages des premières années. Ensuite, une telle taxe permettrait de donner un peu plus de corps à la réforme du capitalisme et de la finance dont Nicolas Sarkozy parle beaucoup mais pour laquelle il n’a pas fait grand-chose.
Mauvaises conditions
Le problème est qu’à faire une telle réforme de manière aussi précipitée, elle risque d’être totalement bâclée, comme l’a été le sauvetage de Sea France. Il y a un point juste dans le raisonnement du président, qui est de dire que la France doit avancer seule, même sans l’accord de nos partenaires européens. En effet, attendre l’accord de l’Union Européenne ou de la zone euro risque de repousser aux calandres grecques la réforme du fait de l’opposition de Londres notamment.
Mais le problème est que vouloir mettre en place une taxe Tobin sans avoir instauré au préalable un contrôle sur les mouvements de capitaux est suicidaire. En effet, pourquoi des capitaux volatiles s’échangeraient sur un marché où ils sont taxés alors qu’en un clic, il leur est possible d’être échangés sur un marché où ils ne le sont pas. La restauration des frontières est un préalable indispensable à une telle réforme et elle est naturellement oubliée par le gouvernement.
Une taxe indispensable et structurante
En fait, tout ceci montre le caractère opportuniste de cette proposition de taxe Tobin. Les réactions changeantes du PS et de l’UMP sur ce sujet sont totalement navrantes et démontrent la démagogie et le manque de sérieux des grands partis. Pourtant, il s’agit d’une réforme de fond, comme l’a souligne Joseph Stiglitz dans « La Grande désillusion ». La taxe Tobin est le moyen de réduire la spéculation et de faire davantage contribuer la finance à la collectivité.
Mais pour jouer ce rôle, il faut rétablir un contrôle aux mouvements de capitaux, ce qui permettrait de conserver la forte épargne nationale en France et de la faire revenir dans nos frontières. Voici un moyen de relancer l’économie ! En outre, en imposant des taux significatifs (au moins 0,1% de toutes les transactions financières), elle rapporterait théoriquement plusieurs dizaines de milliards même en ralentissant fortement la vitesse de rotation du capital.
La mise en place d’une taxe Tobin pourrait être le moyen de rendre la réforme du mode de financement de la protection sociale plus juste. Malheureusement, nous risquons d’aboutir à nouveau à une réforme mal conçue qui risque malheureusement de discréditer une bonne idée.
Laurent Pinsolle,
Porte-parole de la campagne NDA 2012