Telle est la réflexion qui vient à l’esprit en examinant les points principaux de la réforme de la Justice version DUPOND-MORETTI. Le Garde des Sceaux à l’image du Président de la République fait du « en même temps ». Cet « en même temps » est un habillage de tant de contradictions…
Le texte du Ministre de la Justice est censé restaurer la confiance des Français dans leur justice. Mais, comment faire confiance à ce Ministre, qui, il n’y a pas si longtemps (2018), affirmait : « Je suis sûr que je ne veux pas faire de politique…»
Comment faire confiance à un homme qui critiquait les Cours criminelles du temps (pas si lointain) de sa prédécesseure, Madame Nicole BELLOUBET, pour les vanter aujourd’hui qu’il lui a succédé ?
La Justice est en général symbolisée par un glaive et un bandeau sur les yeux. Le glaive est devenu depuis longtemps « épée de bois » et le bandeau symbolise plutôt des délits en tous genres que la justice ne voit pas, puisque non sanctionnés.
Les Cours criminelles départementales
Elles sont généralisées et ont désormais compétence pour juger les crimes passibles de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle. Leur principale utilité serait de désengorger les Cours d’Assises. Mais dans chacune d’elles, le jury populaire est remplacé par 5 magistrats professionnels (un Président et quatre assesseurs) : exit donc le Peuple Français au nom duquel est rendue la Justice…
De son côté, la Cour d’Assises n’aura plus à connaître que des crimes passibles soit de la réclusion criminelle à perpétuité, soit de 30 ans de réclusion criminelle. Or, il n’y a pas de barème pour « a priori » encourir l’une ou l’autre de ces peines et remarquons qu’une cour d’Assises peut prononcer une peine de 15ans et une Cour criminelle une condamnation à 20 ans.
Pour ajouter un peu plus de laxisme, la condamnation ne peut être prononcée qu’à une majorité de 7 voix au moins, au lieu de 6 auparavant. Il devrait donc y avoir moins de condamnations.
Les audiences filmées
Ce n’est pas non plus ce point de la réforme qui restaurera la confiance des Français dans leur Justice. Les Français ne mettent pas en doute le déroulement du procès, mais déplorent principalement l’absence d’inculpation de nombreux délinquants. De plus, les témoins pourraient être plus souvent intimidés et leur témoignage dénaturé, quand ils ne seraient pas menacés.
Seuls les romanciers et cinéastes viendront y chercher de la « matière première ».
Les enquêtes préliminaires
Leur durée sera ramenée à deux ans (prolongation possible d’un an sur autorisation du procureur de la République). Sans renforcement significatif des services d’enquête, il est probable que cette mesure aura comme conséquence d’augmenter le nombre des affaires classées sans suite.
De surcroit, à tout moment de l’enquête, le mis en cause peut avoir à sa disposition une copie de tout ou partie du dossier.
Suppression des crédits automatiques de réduction de peines
Ce point de la réforme que d’aucuns jugent « populiste » vient modifier l’article 85 de la loi du 1er juin 2019, qui prévoyait le retrait de crédits de réduction de peine en cas de refus de prélèvement biologique. Néanmoins, compte tenu des aménagements de peines (ddse: détention à domicile sous contrôle électronique) et de la volonté de voir s’instaurer des peines plus courtes, ce point de la réforme est un peu de la poudre aux yeux.
Restaurer la confiance des Français dans leur justice, c’est avant tout préserver « en même temps » les droits des victimes et il faut bien reconnaître que l’on n’entend guère parler d’elles. Pourtant, la Justice ne se caractérise-t-elle pas par l’équilibre qui doit exister entre le respect des droits du criminel et ceux de la victime dont souvent les familles, elles, sont condamnées « à perpétuité » ?
Il est regrettable qu’une formation approfondie des magistrats en criminologie ne constitue pas l’un des points essentiels de la réforme, car hélas trop de criminels récidivent après une libération anticipée. Les Français de toute manière ne sont pas dupes et ont bien compris qu’une fois de plus cette réforme tente par divers habillages, de réduire les mises en détention pour éviter d’aborder le problème des places de prison. Pour restaurer la confiance des Français, il suffit de poser les vrais problèmes.
Avec Nicolas Dupont-Aignan, proposons des mesures ambitieuses pour :
– mieux prendre en compte les intérêts des victimes (de l’accueil dans les services de police et de gendarmerie, à l’obtention de réparations).
– donner aux services enquêteurs les effectifs, les moyens matériels et les outils juridiques nécessaires.
– donner à la justice les moyens de traiter rapidement les affaires (notamment en augmentant les effectifs des magistrats et des greffiers)
– faire réellement appliquer les peines prononcées.
Monsieur DUPOND MORETTI était un grand avocat, qui a su persuader par son talent de nombreuses Cours d’Assises et si les prétoires ont beaucoup perdu, il n’est pas certain que la politique y ait beaucoup gagné.
François KOHN
Délégué National à la Justice
Bruno GRANGÉ
Délégué National à la Sécurité