Le départ récent de quelques cadres de Debout la France a suscité des interrogations quant à l’avenir du parti. Ces cadres, souhaitant que DLF s’allie de façon systématique et dès le premier tour avec le Rassemblement National dans toutes les régions de France, ont ainsi dénoncé un supposé isolement de Nicolas Dupont-Aignan. Ces cadres ont tort, sur toute la ligne et dans les grandes largeurs.
D’abord, il faut savoir raison garder : s’il y a bien quelques départs, il y a aussi des arrivées : un conseiller régional des Hauts-de-France, Guillaume Kaznowski, et un député, José Evrard, ont ainsi pris leur carte à DLF.
Ensuite, il faut remettre les pendules à l’heure et rappeler que c’est Nicolas Dupont-Aignan le premier qui a souhaité poser le cadre indispensable à des alliances. Le 20 janvier 2020, il a ainsi annoncé vouloir organiser une primaire ouverte à tous les patriotes, de LR au RN. Probablement prévenue de ses intentions, Marine Le Pen lui coupe l’herbe sous le pied en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle, plus de deux avant l’échéance et quatre jours avant que Nicolas Dupont-Aignan ne puisse officialiser sa proposition de primaire. Rien ne peut justifier un tel empressement et un calendrier aussi incongru, si ce n’est la volonté de Marine Le Pen de ne laisser de place à personne d’autre qu’elle dans le camp patriote.
C’est donc à Marine Le Pen que revient la responsabilité première de la division. S’estimant seule légitime, elle balaie l’idée de la primaire et exige de tous ses potentiels alliés qu’ils se soumettent, sans quoi ils sont alors traités en ennemis.
Car il ne faut pas se tromper sur la signification à donner aux quelques départs qu’a connu DLF : ils ont été orchestré par Marine Le Pen et le RN. En premier lieu, parce qu’on pourrait penser que si cette histoire se résumait réellement à un désaccord stratégique, les débats au sein des instances nationales de DLF l’auraient reflété. Or ces cadres n’ont jamais soulevé de désaccord au sein des instances du parti qui se réunissent tout au long de l’année : avec trois Conseils Nationaux et cinq Bureau Nationaux en 2020, ce n’était pourtant pas les occasions qui manquaient !
Remarquons ensuite que tous les cadres du parti lepéniste avaient un tweet prêt à être dégainé dans les minutes qui ont suivi l’annonce du départ de Jean-Philippe Tanguy, et l’affaire s’éclaircit alors nettement. Nicolas Dupont-Aignan a refusé de se soumettre à ce RN qui se veut hégémonique, il refuse de voir DLF réduit à une béquille électorale du RN, il doit donc être traité en ennemi, et son parti doit être sabordé.
Le Rassemblement National pense faire une bonne affaire en essayer d’affaiblir ses potentiels concurrents, mais il ne fait en réalité que démontrer son incapacité pathologique à rassembler. Ce faisant, il refroidit tous ceux qui pourraient être tentés de lui tendre la main pour construire la si nécessaire opposition à Macron dont le pays a besoin.
En outre, cette férocité contre DLF doit interroger. Pourquoi concentrer ses foudres contre un parti que les cadres du RN ont par ailleurs beau jeu de railler ? La réalité est que NDA inquiète. Un sondage Ifop-Fiducial du 1er octobre 2020 attribuait ainsi au candidat Dupont-Aignan jusqu’à 8% des voix pour la prochaine présidentielle. Autant de voix qui ne vont pas à Marine Le Pen, mais surtout, le RN voit dans ces chiffres la possibilité que se crée une dynamique qu’il s’agit dès lors de tuer dans l’oeuf.
Les motifs d’inquiétude pour le RN sont en effet multiples. Le baromètre de popularité Ifop montrait ainsi en septembre que NDA est la personnalité la plus appréciée chez les sympathisants de droite et du RN, devant Marine Le Pen ou Xavier Bertrand ! Par ailleurs, un sondage Elabe de février 2020 indiquait que 80% des Français ne veulent pas d’un second tour Macron-Le Pen. Les électeurs n’ont pas oublié la performance abyssale de la candidate Le Pen face au candidat Macron en 2017. Ils n’ont pas oublié que cette dernière avait été ridiculisée, infligeant un profond sentiment de honte à ceux (dont j’étais) qui la soutenaient alors. Ils savent qu’elle ne fera pas le poids face au désormais Président Macron.
Ces deux éléments pris ensemble, la dynamique de NDA et le rejet dont MLP est l’objet, font que le RN s’alarme. Inscrit dans les données électorales existe le potentiel pour l’émergence d’un 3ème homme qui rassemblerait la droite, et mènerait le combat face à Macron en lieu et place d’une Marine Le Pen visiblement usée.
C’est pour cela, notamment, qu’il faut soutenir Nicolas Dupont-Aignan. Qui d’autre aujourd’hui peut légitimement s’adresser aux électeurs de Marine Le Pen et aux électeurs de LR ? Trop de cadres LR stigmatisent le RN et ses électeurs en des termes durs ; Marine Le Pen n’a elle jamais de mots assez sévères pour dénoncer la droite. Seul NDA peut parler à tous ceux-là qui ont la France au coeur. Un sondage Harris Interactive publié le 27 novembre montre que NDA est aussi populaire auprès des Français que Marine Le Pen, à ceci près que là où MLP fait le plein auprès des sympathisants du RN tout en étant massivement rejetée partout ailleurs, NDA puise sont soutien de façon égale chez les sympathisants de LR et du RN. Sa base électorale potentielle est dès lors bien plus forte, et cela fait de lui un homme à abattre. Il est la hantise de ceux qui rêvent d’une redite de 2017, seul scénario qui permettrait à Macron de s’accrocher au pouvoir. À nous tous de faire en sorte que ce douloureux scénario ne se reproduise pas.
Antoine Chudzik
Conseiller régional DLF de Bourgogne Franche-Comté