Le Coronavirus et les armées : Un engagement total de nos militaires….., mais des moyens très nettement insuffisants ou pas suffisamment adaptés.
Alors que notre pays essaie de faire face depuis plus de 12 semaines à la pandémie, les armées continuent d’être engagées au quotidien dans leurs missions opérationnelles et participent, corrélativement, sur le plan médical et logistique, au soutien des Français face au Covid-19[1].
Ainsi, le déploiement en opérations de nos forces pour lutter contre le terrorisme islamiste, notamment dans le cadre des opérations “Barkane” au Sahel ou “Chammal” en Syrie est toujours pleinement effectif et opérant. Pourtant, sur place, on apprend que certains militaires sont testés positifs. Çà et là, les communications institutionnelles ou médiatiques nous rappellent que nos soldats, marins ou aviateurs ne sont pas exsangues d’être contaminés. Ainsi, le porte-avions Charles de Gaulle vient d’écourter ses exercices en Méditerranée, suite aux symptômes de virus constatés à son bord pour une cinquantaine de marins et aviateurs. Au Sahel, certains de nos militaires sont également testés positifs. En Irak, le rapatriement des 200 soldats français stationnés sur place a dû être effectué dans l’urgence au cours du mois de mars.
L’épidémie de Covid-19 peut-elle remettre en cause notre capacité opérationnelle ? Assurément pas, mais il est évident qu’elle peut affecter, au cas par cas, nos actions sur les différents théâtres d’opérations, car, rappelons-le, notre déploiement militaire est trop souvent à flux tendu de ses effectifs pour des raisons principalement budgétaires.
Au delà des seules considérations opérationnelles, les armées ont surtout été mises à contribution sur le plan médical et de leurs moyens sanitaires. La médecine militaire demeure une référence dans bien des domaines, en particulier en épidémiologie à travers la formation des médecins militaires experts dans les crises humanitaires à caractère épidémique[2].
En outre, il faut reconnaître que les moyens déployés par les armées (du SSA[3], et des Forces Armées) pour venir en aide à la chaîne sanitaire ont été conséquents :
- cinq des huit hôpitaux militaires ont été activés pour fournir une centaine de lits réservés aux patients Covid-19, dont 40 en réanimation ;
- un élément militaire de réanimation (EMR) a été déployé par le SSA pour offrir 30 lits de réanimation supplémentaires à Mulhouse ;
- l’opération Résilience décidée par le Président de la République a permis de mettre à disposition de la chaîne sanitaire des hélicoptères de l’Armée de terre, des avions A400 M et A330 de l’Armée de l’air et des bâtiments de la Marine nationale pour convoyer des patients atteints du Covid 19 vers les hôpitaux les moins sollicités et faciliter ainsi la prise en charge des malades sur l’ensemble du territoire national et de l’outre-mer.
Cet apport irremplaçable à l’effort de lutte contre la pandémie est notable. Cependant, il convient d’aller au-delà d’un simple affichage en termes d’image et pousser la réflexion plus avant sur les limites et les capacités réelles de ce renfort.
Pourquoi la pharmacie centrale des armées (PCA) n’a-t-elle pas été mise à contribution pour produire et stocker des médicaments en grande quantité, alors que c’est sa principale vocation en cas de crise ou de guerre ? Pourtant, lors de l’épidémie de grippe A en 2009, la PCA a fourni 77 millions de comprimés de Tamiflu[4]. Ne serait-elle pas (ou plus), aujourd’hui, en capacité de produire du Plaquénil (Chloroquine) ou d’autres traitements pour lutter contre le Covid-19 ? Cette question a été posée au gouvernement, à plusieurs reprises, par Debout-la-France et par son président, Nicolas Dupont-Aignan, sans d’ailleurs qu’aucune réponse ne lui soit apportée.
Pourquoi a-t-on déployé un EMR à Mulhouse et pas d’autres unités de réanimation militaires dans des régions où les lits des services de réanimation étaient saturés (Île-de-France, région Lyonnaise… ) ? Dans les faits, il est quasiment certain que les armées ne sont pas en mesure de mettre en œuvre d’autres équipements de même nature….notre concept de Défense est censé prévenir les menaces bactériologiques et donc de prévoir les moyens de prévention suffisants pour y faire face. S’il y a une carence avérée dans ce domaine, il y a lieu de s’inquiéter sur l’état réel de préparation matérielle de nos armées dans l’éventualité où elles devaient être confrontées à une guerre biologique, ce qui, dans un contexte de terrorisme à l’échelle mondial, demeure toujours possible.
Pourquoi n’a t-on pas fait appel à l’Élément de Sécurité Civile Rapide d’Intervention Médicale (ESCRIM ) de la sécurité civile[5] ? On peut penser, qu’en fait, le Ministère de l’Intérieur ne dispose pas, avec l’ESCRIM, de cellules de réanimation en nombre suffisant, ce qui demeure surprenant pour un hôpital de campagne ayant vocation à faire de la médecine de catastrophe. Le doute devra être levé sur ce point par le gouvernement dans un souci de transparence vis-à-vis de l’opinion publique.
Pourquoi ne peut-on pas réhabiliter l’hôpital du Val-de-Grâce, fermé en 2015 alors que de nombreuses personnalités politiques s’étonnent encore de cette décision pour le moins décalée et sans réelle justification ?
Nicolas Dupont-Aignan a proposé sa réouverture dès le 26 février 2020[6], afin de soulager les hôpitaux parisiens. Aujourd’hui, DLF attend toujours une réponse du gouvernement.
Pourquoi, notamment pour ses territoires ultra-marins, la France ne dispose-t-elle pas à minima d’un navire- hôpital militaire, sans être obligé de transformer un porte-hélicoptères en bâtiment de logistique sanitaire ? Ainsi, le porte-hélicoptères Dixmude est déployé depuis le 3 avril pour rejoindre les Antilles-Guyane dans le contexte d’une aide à nos compatriotes outre-mer face au coronavirus.
La règle qui prévaut trop souvent dans notre pays est de disposer de moyens polyvalents, c’est à dire à usage multiple, mais comme dit le proverbe : “Qui trop embrasse mal étreint”. Nous pouvons avoir les meilleurs soldats du monde, faut-il encore leur donner les moyens les mieux adaptés pour remporter la victoire ? De l’avis général, nous savons que nous vivons aussi un dérèglement climatique dont les conséquences seront également catastrophiques dans l’avenir. Faut-il, dans ces conditions, se priver d’une capacité navale d’intervention médicale dédiée et pré-positionnée pour faire face à ce type de situations de crise ?
Il est à craindre, aujourd’hui, que la pandémie Covid 19 soit, donc aussi, le triste révélateur de l’incapacité de notre gouvernement à prévoir et gérer des situations de crise.
Léonard de Vinci disait : “Ne pas prévoir, c’est déjà gémir…..” L’impréparation de l’État face à cette situation est criante de vérité, ne serait-ce qu’au regard des multiples contradictions qui ne nous auront pas été épargnées par ce gouvernement. Pourtant, les indices potentiels de menaces existaient et la probabilité de leur survenance était connue. Pourquoi aucune analyse des risques n’a révélé qu’une pandémie était patente ? Certains signes pourtant avant-coureurs (SRAS, H1N1, grippes….) ne pouvaient rendre nos dirigeants autistes à cette possibilité de pandémie[7], sachant de surcroît qu’une possible mauvaise manipulation d’un virus dans certains laboratoires ne devait pas être écartée. Autant de questions auxquelles la commission d’enquête parlementaire devra répondre après la crise, du moins espérons-le.
Mais, au delà, il nous faut nous rendre à l’évidence que dans de telles conditions, notre outil de Défense présente lui aussi certaines faiblesses de moyens. Les dernières décennies ont conduit à sacrifier sur l’hôtel de l’ultra-libéralisme certains équipements considérés comme trop onéreux ou superflus pour leur privilégier des matériels de substitution à géométrie variable, comme un couteau suisse. Il est de bon sens que les moyens multifonctionnels sont généralement moins efficaces que ceux spécialisés. Nous devons malheureusement aujourd’hui faire le pénible constat que nos armées connaissent un certain niveau d’incapacité fonctionnelle pour faire face à des crises majeures. Les militaires n’en portent pas la responsabilité, car les choix en matière d’équipement appartiennent aux politiques. Un haut responsable militaire disait, il y a quelques années : “Depuis la chute du mur de Berlin , l’ennemi n’est plus à l’Est, il est à Bercy……” Quelle terrible vérité, qui conditionne la préservation de la vie humaine à des choix budgétaires. Monsieur Macron ira-t-il dire aux familles des Français décédés du fait du Covid-19 que l’État n’a pas fait les bons choix d’investissements et qu’il valait mieux, par exemple, supprimer l’ISF que prévoir le financement des moyens nécessaires et les mieux adaptés pour endiguer une catastrophe sanitaire ?
Dans ce contexte, le périmètre crise-guerre qui est le fondement de notre politique de sécurité et de défense nationale, doit rapidement être corrigé, sinon les prochaines crises affaibliront un peu plus notre pays sur la scène internationale et en particulier européenne. Notre souveraineté nationale passe aussi par là.
François Rondot
Délégué national adjoint au développement de l’Afrique et à la Méditerranée