“L’élection présidentielle du 12 décembre, contrôlée depuis plusieurs mois par l’armée nationale populaire, a été très majoritairement rejetée par les Algériens…”
Cette élection, au suffrage universel direct, a vu s’affronter cinq candidats à la succession de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, contraint de retirer sa candidature sous la pression de la rue en avril 2019.
En fait, la campagne électorale s’est déroulée, dès le début de l’année, sous la pression d’un vaste mouvement de contestation populaire appelé “Hirak“[1] qui a occupé chaque vendredi les rues d’Alger et des principales villes du pays. Le Hirak fermement opposé au régime actuel, ainsi qu’à tous ceux qui ont gouverné l’Algérie depuis la fin de la période coloniale, a appelé systématiquement au boycott de cette élection. Ainsi, les manifestants (dont une forte représentation de populations berbères[2]), sans violences, ont scandé depuis des mois des slogans hostiles au pouvoir et aux militaires, tout en appelant à la liberté et à une indépendance retrouvées. On comprend alors mieux pourquoi, aujourd’hui, les hirakistes1 (dont le MSP[3] principal mouvement islamiste, mais aussi Al-Bina) ont appelé à l’abstention et au refus de voir se réinstaller à la tête du pays ceux qui ont participé à cette perte progressive de crédibilité du pouvoir depuis plus de 50 ans.
Forte d’avoir mis fin en 1991 au processus qui conduisait les islamistes radicaux au pouvoir, l’armée nationale populaire, essaie de maintenir le régime issu de l’indépendance de 1962 (FLN Front de Libération Nationale) et dont l’ancien président Bouteflika était un représentant historique.
Les candidats autorisés étaient, de ce fait, tous d’anciens apparatchiks fidèles au pouvoir. Les résultats du scrutin ont donc été le reflet de cette ambiance générale de défiance envers le pouvoir et les militaires :
- – Le taux d’abstention a atteint quasiment les 60 %[4], niveau record, fragilisant sérieusement le processus démocratique et rendant la déstabilisation du pouvoir plus que probable dans les mois à venir.
- – La victoire, dès le premier tour d’Abdelmajid Tebboune[5], (58 %), candidat des militaires et grand favori, laisse planer un doute sur la probité des résultats et sur sa capacité à gouverner dans une ambiance insurrectionnelle.
“Alors , qui est donc le nouveau et véritable président de l’Algérie ?….“
Il faut se rendre à l’évidence, le Hirak continuera d’occuper la rue chaque vendredi (jour de prière pour l’Islam), rejoint d’ailleurs récemment dans la contestation par les étudiants qui, eux, défilent chaque mardi. Fidèle à ses intentions, ce très vaste mouvement populaire exigera, par méfiance, le départ du nouveau président Abdelmajid Tebboune et de son futur gouvernement.
Par ailleurs, la menace islamiste n’est pas écartée, car le MSP3 avait, lui aussi, appelé au boycott des élections. Les islamistes jouent pour l’instant la prudence, compte tenu du contre-pouvoir exercé par l’armée. Leur participation à l’Hirak ne doit pas cacher leur intention évidente de revenir dans le jeu politique.
Alors, il est évident que le pouvoir est aujourd’hui réellement dans les mains de l’armée nationale populaire. Jusqu’au 23 décembre, le véritable homme fort était le général Ahmed Gaïd Salah[6]. Sa mort subite et la désignation dans la foulée de son successeur, le général Saïd Chengriha[7] ne clarifie pas pour autant la situation, ni les intentions de l’armée algérienne face au Hirak.
Dans ces conditions, les prochains mois seront, sans nul doute, révélateurs de l’avenir démocratique de l’Algérie, notamment si la répression envers les hirakistes se durcit, ce qui risque d’être malheureusement le cas si le mouvement perdure. Les militaires ne laisseront probablement pas s’installer à long terme la contestation. Comme en 1991, ils imposeront un président. A défaut, un coup d’état, fomenté par quelques officiers généraux fidèles au mouvement qui avait conduit à l’indépendance de l’Algérie, n’est pas à exclure.
L’espoir déçu en une démocratie et une indépendance retrouvées, sur fond de situation économique catastrophique, de corruption généralisée et de chômage récurrent de 12 à 18 % (selon les sources – impactant 70% des jeunes[8]), va entraîner l’Algérie dans une longue période d’instabilité politique et de récession sans précédent.
En outre, cette situation, globalement désastreuse, aura inévitablement pour effet de générer une nouvelle vague d’immigration vers l’Europe et en particulier vers la France.
A ce titre, Debout la France demande depuis des mois au gouvernement français et à Emmanuel Macron de prendre les mesures nécessaires pour contrôler drastiquement toute immigration en provenance d’Algérie. Hélas, ces demandes de bon sens de la part de Nicolas Dupont Aignan n’ont pas été prises en compte par Emmanuel Macron qui semble plus soucieux des intérêts des Algériens que de ceux des Français.
François Rondot
Délégué national adjoint au développement de l’Afrique et à la Méditerranée
[1]Hirak : traduction Le mouvement – hirakistes : contestataires du mouvement
[2]Berbères :membres d’un groupe ethnique d’Afrique du nord musulmans sunnites
[3]MSP : Mouvement de la société pour la paix – Mouvance islamiste : Al-Bina Al-Watani (la construction nationale)
[4]Abstention : sans doute supérieure, compte tenu qu’aucun observateur international n’a été associé au scrutin.
[5]Abdelmajid Teeeboune: Font de Libération National – ancien premier ministre 2017 et plusieurs fois ministre.
[6]Général Ahmed Gaïd Salah : Chef d’État-major et vice-ministre de la Défense depuis 2013 décédé le 23/12/2019
[7]Général Saïd Chengriha : Chef d’État-major de l’armée de terre
[8]Source France 24 du 13/12/2019