Comme tous les Français, j’ai eu le cœur serré en voyant Notre-Dame en feu. Cela paraissait irréel. Nous étions au premier jour de la semaine sainte qui, pour les chrétiens, commémore la Passion du Christ. En voilà que la mère de nos cathédrales brûlait. M’approchant du désastre, une infinie tristesse s’empara de tout mon être. Des vers de Théophile Gautier, appris il y a bien longtemps, remontèrent alors confusément à ma mémoire : « Et les tours jumelles, ces cantiques de pierre / Semblent les deux grands bras que la ville en prière / Avant de s’endormir, élève vers son Dieu. »
Bien vite cependant, je fus pris de consternation. Comment cela pouvait-il arriver ? Sur les chaînes d’information en continu, sur les réseaux sociaux, journalistes et membres du gouvernement affirmaient – en usant d’un conditionnel qui se voulait incontestable – que la catastrophe était accidentelle. De quels éléments disposaient-ils à ce moment-là pour être si catégoriques ? Ils n’en avaient pas, mais ils étaient guidés par une vérité tue et un lâche désir.
La vérité, c’est celle qui veut que, du fait de l’avarice des pouvoirs publics, l’entretien de nos monuments historiques fait pitié et leur restauration produit fréquemment des malheurs. La France jouit d’un patrimoine fabuleux. Si elle est la première destination touristique mondiale, elle le doit à l’interminable chapelet de châteaux, d’églises, de folies, de palais, de jardins, de villages et de sites remarquables qui témoignent de notre prodigieuse histoire et du génie de notre peuple. Or, cet héritage, dans quel état est-il ? Honteux. Dans le PLF 2019, le ministère de la Culture consacre 346 millions d’euros à la sauvegarde des monuments historiques, soit à peine 10% de son budget – en baisse de 30 millions depuis 2012.
Pour ces joyaux anciens et fragiles, le coût des travaux, qui réclament des professionnels très qualifiés, est lourd. 346 millions, tous les spécialistes le disent, c’est dérisoire. C’est pourquoi les chantiers tardent puis s’éternisent voire déraillent, pourquoi l’Etat fait si souvent appel au mécénat, parfois étranger, pour rendre son lustre à notre héritage commun. Et comme, malgré la générosité privée, on manque de moyens, des projets ne dépassent pas le stade de l’étude, des monuments sont livrés à l’usure du temps, des églises s’effondrent. Par exemple, sur les 210 millions nécessaires à la restauration de Notre-Dame d’ici 2029, l’Etat s’était engagé à verser 40 millions seulement. Emmanuel Macron aime à se présenter comme un grand défenseur du patrimoine ; la réalité est celle d’un abandon pur et simple qu’un loto sporadique ne saurait masquer. Aujourd’hui, des milliers de monuments sont, partout sur le territoire, sur le point de tomber. Il s’agit là à la fois d’un crime contre notre histoire et d’une absurdité économique.
Quant au désir, c’est celui qui transpire après chaque attentat, du moins dans les minutes qui suivent la commission des faits, et qui refuse de le considérer comme tel, qui voudrait tant que ce soit autre chose, et qui va jusqu’à dire qu’un « Allah akbar » suivi d’une décapitation n’a pas forcément un « lien évident » avec l’islamisme. Là, bizarrement, les commentateurs exigent prudence et pudeur, recul et précaution. Dans le cas de Notre-Dame, par peur d’attiser la « haine », les journalistes ont exclu d’emblée l’hypothèse d’un acte prémédité. Ils savent pourtant que les actes christianophobes représentent 90% des dégradations contre des lieux de culte, que chaque jour une église est saccagée dans notre pays, que djihadistes et gauchistes jubilent devant les crucifix souillées.
D’ailleurs, tandis que je regardais l’affreux brasier, tout le monde autour de moi se demandait à voix haute : « Qui a fait ça ? » Interrogé par une équipe de télévision, j’ai alors simplement dit : « Est-ce un accident ou un attentat ? » Aussitôt, en meute, les belles âmes me sont tombées dessus. Dans n’importe quelle démocratie, ma question est banale. Pas en France. Dans la France d’Emmanuel Macron, on doit abdiquer tout esprit critique, gober la communication gouvernementale reprise à la virgule près par les médias officiels, noyer les problèmes dans la vase des bons sentiments. Faute de quoi on vous accuse de complotisme ! Eh bien, je persiste et signe : toute la lumière doit être faite sur ce drame. Quand le procureur de la République de Paris décrète, sous l’effet d’une prophétie autoréalisatrice, que l’incendie est sûrement involontaire, on peut craindre que le pouvoir veuille étouffer l’affaire. C’est la raison pour laquelle je réclame une commission d’enquête parlementaire.
Tandis que nos héroïques pompiers luttaient contre les flammes, le pouvoir réagissait de manière spectaculaire à l’événement. Les mêmes qui laissent mourir notre patrimoine, qui ergotent pour financer les chantiers ont fait de la reconstruction de Notre-Dame une cause sacrée. Depuis, c’est la course à celui qui exonérera, défiscalisera, recrutera, réparera le plus et le plus vite. L’émotion est profonde et il convient en effet de tout mettre en œuvre pour rebâtir l’auguste cathédrale. Mais cette précipitation et cette surenchère n’augurent rien de bon. Pourquoi fixer la reconstruction à cinq ans ? Il convient au contraire de prendre le temps, de réunir des experts, de faire appel à des entreprises spécialisées plutôt qu’à des grands groupes de BTP qui ont pour habitude de sous-traiter massivement. Faisons de cette catastrophe un outil de réinsertion, une chance pour nos jeunes en apprentissage, légataires de savoir-faire ancestraux. C’est à eux, et en particulier à nos célèbres Compagnons du Devoir et du Tour de France, que ce chantier doit revenir.
Dix ans, quinze ans, peu importe ! Notre-Dame a plus de huit siècles ; elle mérite qu’on la choie. Aller vite, c’est prendre le risque de la mutiler une seconde fois. On croit rêver lorsqu’on entend le Premier ministre dire, à propos du concours d’architecture voulu par le président de la République, qu’il « permettra de trancher s’il faut reconstruire une flèche, s’il faut la reconstruire à l’identique, ou doter Notre-Dame d’une nouvelle flèche adaptée aux techniques de notre époque ». Justement, non, cette merveille n’a pas à être « adaptée ». Qu’il est insupportable cet impérialisme esthétique qui veut tout ramener à nous, comme si nos goûts devaient envahir jusqu’au passé ! Déjà des cabinets d’architectes s’agitent qui veulent mettre du métal, du béton, du verre partout. On peut ne pas aimer Viollet-le-Duc, mais son art entendait s’intégrer à ceux qu’il épousait. Nos bâtisseurs, eux, n’ont que rarement cette humilité. Il nous faudra donc être vigilants dans les années qui viennent afin d’empêcher qu’une trahison succède au chagrin.
C’est le sens de la pétition que nous lançons et pour laquelle nous incitons les Français à se mobiliser.
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout La France