A l’occasion de la Grande guerre, plusieurs généraux français furent élevés à la dignité de maréchal de France. L’un d’eux toutefois fut oublié en raison d’opinions politiques trop opposées à celle de la plupart des parlementaires de l’époque : le général de Castelnau.
Entre autres titres de gloire, de Castelnau fut pourtant le seul à anticiper l’attaque allemande à Verdun et à renforcer ses défenses et participa au moins autant que Pétain à la cette bataille décisive. Il commande au début et à la fin des combats, forçant l’ennemi et quitter le saillant de Verdun. Il fut le principal partisan de la stratégie consistant à briser d’abord les alliés de l’Allemagne (Autriche-Hongrie, Empire ottoman et Bulgarie) pour la forcer à la reddition, stratégie couronnée de succès en octobre 1918. En novembre 1918, l’Allemagne demande l’armistice notamment parce qu’elle se sait incapable d’arrêter l’offensive qu’il s’apprête à lancer sur son territoire.
Au lendemain de la Guerre, les foules françaises demandent son élévation à la dignité de maréchal de France. Parce qu’il était « nationaliste », belliqueux et soit disant peu républicain, les politiciens de l’époque lui refusèrent cet honneur, préférant par exemple honorer un Pétain « fidèle à la République… » Malgré des qualités qui forçaient l’admiration des généraux allemands, la bien-pensance de l’époque conduisit à l’ignorer en raison de ses opinions politiques. Clemenceau lui-même regrettera l’injustice de ces politiciens à la vue courte.
Pendant toute l’Entre-deux-guerres, le général de Castelnau nous mettra en garde contre le réarmement allemand, engagé dès 1922 (traité de Rapallo avec l’URSS) et la façon dont la République de Weimar puis le régime nazi préparaient une guerre de revanche contre la France. Il ne fut, malheureusement, pas écouté.
Il tenta de faire triompher ses idées en créant un parti politique, classé à droite, et donna l’une des plus belles définitions de l’engagement politique à propos de sa candidature aux élections législatives de 1919 : « Je trouve là le plus efficace moyen de m’acquitter de la dette impérissable que nous autres, les chefs, nous avons contractée vis-à-vis de ceux que nous eûmes l’honneur de commander. Nous avons tant exigé de nos hommes pendant la guerre, ils nous ont tant donné que pour la sauvegarde et l’amélioration de leurs intérêts, il nous faut travailler avec une invariable constance ». Peu de généraux et d’hommes politiques reconnaissent qu’exercer les plus hautes fonctions, c’est avant tout contracter une dette immense envers ceux qu’on commande et qu’un chef digne de ce nom est redevable envers les soldats et citoyens qu’il dirige – non l’inverse.
A 90 ans, il condamne l’armistice, avec courage et lucidité : «Plus que jamais, l’armistice m’apparaît comme ignominieux ; je ne puis expliquer cet acte que par la profonde défaillance intellectuelle et morale de Pétain, Weygand et cie ». Bien qu’il ait perdu trois fils en 1914-18, il encourage ses petits-fils et petits-neveux à s’engager dans la France libre – la plupart périront au combat. Bien que physiquement capable de combattre, il continue la lutte en cachant des armes de la Résistance chez lui. Tout au long de sa vie, il fut un grand soldat et il continua à s’exposer au danger et servir notre pays pour s’acquitter de la dette qu’il avait contractée envers ses concitoyens.
Peut-on honorer Pétain sans honorer un tel homme ?
A l’occasion du centenaire de la victoire de 1918, je propose que notre pays répare l’injustice faite au général de Castelnau et rende hommage à sa vision de ce que doit être un chef militaire en l’élevant à titre posthume à la dignité de maréchal de France, comme elle le fit pour les généraux Koenig et Leclerc de Hautecloque.
Le général de Castelnau illustre au plus haut point les vertus qu’on attend d’un chef : l’intelligence stratégique, le sens du devoir envers ceux qu’il commande et la fidélité absolue à la France, y compris à l’extrême hiver de sa vie. Le général de Castelnau estimait qu’il avait une dette impérissable envers la France mais la France a, aussi, une dette envers lui. Le moment est venu de la reconnaître et de l’élever à la dignité de maréchal de France.
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout La France