Ce jeudi 4 octobre, à l’Assemblée Nationale, Bernard MONOT, député DLF au Parlement Européen, a organisé un colloque sous l’égide du groupe parlementaire européen ELDD (Europe des Libertés et de la Démocratie Directe), au sein duquel DLF siège dans la mandature actuelle du Parlement européen.
Cet événement, sous le parrainage de notre président, Nicolas Dupont-Aignan, s’inscrit dans les ateliers thématiques du parti politique majeur que nous sommes où chacun des sujets sociétaux doivent être identifiés, connus, analysés et étudiés et surtout partagés au sein de notre mouvement en mode laboratoire d’idée (“Think tank”) et incubateur de notre programme, ici, pour le thème du numérique, sur lequel LREM et les équipes Macron cherchent à revendiquer, sans fondement, une position en pointe.
Douze intervenants internationaux, éminents spécialistes de leurs domaines, universitaires, acteurs auprès d’organismes importants comme la Commission Européenne, l’OCDE, le CNRS ou encore la Cour d’Appel de Paris, nous ont livré l’état de l’art ou appris les enjeux gravitants autour de sujets les plus diverses de la sphère du monde digital et numérique.
Après une allocution introductive de Nicolas DUPONT-AIGNAN, trois grandes parties sont venues organiser cet atelier.
“La Révolution Numérique pour le meilleur et / ou pour le pire”
Le premier intervenant de ce colloque, Monsieur François-Bernard HUYGUES, chercheur au CELSA Paris IV Sorbonne, exhorte l’utopie de “l’agora universelle”. Il dénonce ce qu’il appelle “une vente de l’attention” organisée et prise aux utilisateurs dans leur temps libre et même sur leurs lieux de travail. Les GAFAM ont le pouvoir de générer de la valeur (le fameux Big Data) sur nous, à notre insu ou passivité et de prévoir nos besoins tout en nous les inculquant ou en nous générant des idées inconsciemment. Entre leur censure (Faits récents de Twitter) et l’absence de contrôle, les GAFAM sont factuellement souverains en occident, avec le consentement implicite de nos états …
Madame Myriam QUEMENER, avocat général auprès de la Cour d’appel de Paris, nous annonce les affaires nouvelles auxquelles fait et aura à faire face la justice : cyber criminalité, cyber contrefaçon et industrialisation de la délinquance. Quel statut juridique pour les robots et l’automation alors que la Justice Prédictive est déjà en test ?
Monsieur Xavier MARTIN, professeur émérite à l’Université d’Angers et de Nancy, par des références historiques, nous fait une analogie entre la science fiction de l’époque post-révolutionnaire, de l’Empire et aujourd’hui : l’automatisation était déjà dans l’esprit des grands hommes qui prévoyaient, il y a deux cents ans, le pouvoir des machines avec déjà les effets de bords ou collatéraux néfastes de ces technologies sur l’humain. Le professeur Martin nous démontre en particulier que le mode de pensée, le fonctionnement administratif et les méthodes de commandement de Napoléon Bonaparte étaient totalement modelés, avant l’heure, sur l’économie numérique.
Madame Joëlle BERGERON, députée européenne et impliquée dans les récentes défenses des droits d’auteur face aux véhément lobbying des multinationales américaines, a présenté la teneur de ses travaux effectués comme rapporteur pour le Parlement européen en ce qui concerne l’impression 3D : révolution manufacturière majeure, à la dimension de ce qu’a été l’invention de l’imprimerie, et qui va « disrupter » la production des objets et même de ceux du bio-médical à toutes les échelles (peau humaine et cellules, pièces plastiques et métalliques, même la construction en bâtiment ainsi accélérée avec des coûts attractifs). Sur un plan juridique, ce mode de production pose néanmoins des problèmes de responsabilité sur tout le cycle de vie de l’objet ou du système. Ainsi, à son sens, vouloir défendre le modèle manufacturier actuel serait une aberration face à la vague de mutations annoncées dans les procédés productifs.
Nicolas DUPONT-AIGNAN clôt alors cette première partie de débat en rappelant, alors que nous sommes, français, toujours hyperactifs en innovation, que 80% des acquisitions des sociétés européennes de hautes technologies sont faites par les chinois, face au protectionnisme des américains pour leurs entreprises, et qu’il faudrait porter de 2%, aujourd’hui, à 5% du PIB les efforts de recherche comme le pratique communément la Corée du sud et l’a fait la France sous le Général de Gaulle avec les résultats que l’on sait et qui ont perduré jusqu’à aujourd’hui.
“Les FINTECH : fin des banques (traditionnelles) et naissance des banques du futur”
FINTECH est l’appellation utilisée pour qualifier les sociétés nouvelles, startup et entités émanantes des banques traditionnelles qui viennent mettre de nouvelles offres internet et mobile sur le marché financier.
Après une sectorisation des offres, il a été rappelé que seules les intermédiations et services qui demandaient peu d’actifs pouvaient être offertes par ces nouvelles sociétés. Les activités de dépôt et de prêt demandant des garanties colossales, les banques traditionnelles garderont bien encore toute leur place sur un marché seulement ainsi diversifié.
Que ce soient les crypto-monnaies (la plus connue étant le Bitcoin) ou de nouveaux modes d’intermédiation ou d’accélération des processus des services bancaires (prêts, investissements, transferts) l’enjeu réside dans l’application de normes et de règles financières relatives à la protection et aux risque strictes qui sont trop lourdes pour les FINTECH : doivent-elles jouer dans leur cours ou sur un marché “clôturé” dédié ?
L’historien Pierre-Eric MOUNIER-KHUN nous relate les courants des vingt dernières années entre “mort annoncée des banques”, “cashless society” et la fin annoncée de la loi de Moore d’évolution de puissance informatique levant constamment les barrières de traitements.
Monsieur Felipe DE GRADO, financier, nous introduit les sujets majeurs que sont la blockchain, l’évolution des supports digitaux et les puissances de calcul accrues qui ont fait émerger les FINTECH. Nouveaux éléments de levier financier, de transparence, de sécurisation, de traçabilité accrue, c’est néanmoins une certaine virtualisation des actifs qui est amenée par ces procédés et apports devenus universels.
Monsieur Timothy BISHOP, de l’OCDE, puis Madame Saule OMAROVA, professeur de droit à l’Université Cornell, New York, nous décrivent le business des FINTECH et la dualité micro-économie/macro-économie levée par celles-ci, la partition du marché avec les banques plus traditionnelles, le rôle de régulation et de contrôle des éventuelles crises par fractionnement du marché. Les FINTECH sont présentées comme “plus” adhérentes à l’économie réelle et à sa protection aux aléas bancaires et économiques. Se pose alors l’application des contrôles sur ce type d’établissements bancaires entre lourdeur imposée des coûts de conformité traditionnels, hors de leur échelle et la liberté laissée pour jouer en mode “sandbox” (bac à sable) sans grand risque bien qu’il existe une certaine opacité sur ces micro-marchés à l’échelle de l’action des banques traditionnelles.
Au total, Mme OMAROVA appelle à ce que les législateurs nationaux se ressaisissent, arrêtent d’écouter les sirènes du laisser-faire laisser-passer de la finance globale et régulent avec fermeté ces trous noirs de la supervision financière et bancaire que sont en passe de devenir les Fintechs.
Ces risques sont toutefois relativisés par Monsieur Hubert DE VAUPLANE, financier, qui, concluant sur ce second domaine du débat, rappelle bien que ces nouveaux acteurs “jouent bien avec notre argent”. Pour effectuer les deux grands rôles d’une banque, le dépôt et le crédit, les fonds propres doivent être colossaux ce qui reste hors de portée des FINTECH. Leur rôle est donc focalisé et installé sur un nouveau rôle d’intermédiation et de dynamique à petite échelle (prêts immobiliers ou financement des micro-structures). La césure reste énorme entre les banques traditionnelles assises sur une clientèle énorme, un système d’information ancien (exemple des programmes en Cobol dans un SI-maître approchant maintenant la quarantaine d’année …) et les FINTECH en total paradoxe sur ces deux points. Pérennité et volatilité s’affrontent ici. Si les grands groupes s’autofinancent sur les marchés sans l’intervention bancaire n’oublions pas que 95% du financement des PME est assuré par les banques traditionnelles qui conservent ainsi pleinement leur rôle sans l’ombre des FINTECH.
“L’évasion fiscale mondiale des acteurs et géants du numérique”
Les intervenants du troisième débat, se sont attaqués au sujet de la fiscalité des sociétés opérant des services numériques sur des territoires où leurs actifs, dont leurs employés, moyens de productions (centre de stockage, de traitement) sont absents. Monsieur Eric ROBERT, de l’OCDE, nous présente la démarche BEPS OCDE construite pour le G20, une étude visant à construire une fiscalité internationale pour ces activités en évasion fiscale avérée. Il en ressort que l’économie numérique n’aurait finalement pas de spécificité face aux activités traditionnelles extra-territoriales (manufacturier classique non numérique). Quel équilibre entre taxation et le risque d’une pénalisation des entreprises françaises et européennes ayant les mêmes actions à l’étranger ? Faut-il légiférer ou laisser le marché libre, s’auto-réguler ? La réflexion prend une dimension mondiale, les pays émergeants étant pour une grande permissivité tant ils sont gagnants aux dépends des anciens acteurs économiques dominants. Ces travaux ont néanmoins porté leurs fruits sur un mode de TVA appliqué à certains géants numériques ayant permis de collecter déjà des milliards de dollars (cas illustratif pris : SPOTIFY).
Monsieur Uwe ILHI, de la Commission Européenne, renforce ce dilemme qui ferait que l’assiette de taxation des entreprises numériques extra-territoriales devrait rester un mix localisation de l’activité / consommation des services par les utilisateurs. Mais des sociétés comme les FINTECH restent des modèles sans territorialité tangible …
Monsieur Michel GEOFFROY, politologue et auteur de l’ouvrage “La super classe mondiale contre les peuples”, vient débuter la clôture des débats avec une vision réaliste, alarmiste et relativement pessimiste de notre présent et proche avenir en construction sous le voile digital. Les GAFAM se positionnent maintenant clairement comme des forces de pouvoir sur le volet “politique et social” supplantant de facto les états dépassés par leur puissance de terrain et de médias qui les font sortir de leur pur gond entrepreneurial. L’exemple flagrant, pris par cet intervenant, est le positionnement de la chaîne STARBUCK qui a décrété d’embaucher massivement des migrants dans 75 pays dont la France … Ces monopoles veulent façonner le monde face à des politiques qui ont abandonné cette prérogative. Comme pour la Chine ou la Russie, un sursaut de souveraineté numérique est nécessaire pour faire émerger des contre-pouvoirs sur ces créneaux …
Touche d’optimisme ! On ne prévient pas les révolutions … Force est de constater que la jeunesse a actuellement des courants dominants finalement conservatifs en occident, le rôle des géants du numérique est donc limité à leur pérennité et à leur audience, au final, bien … frêle.
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La conclusion de ce colloque revenait au député Bernard MONOT, venu donner une note d’optimisme, celle de l’accueil des opportunités de la Révolution Numérique avant d’avoir une approche plus sombre et réaliste par le caractère subi et de renoncement des acteurs de notre nation quant à mener en tête cette transformation digitale. La feuille de route d’Emmanuel Macron est révélée un an et demi après son accession au pouvoir, elle est claire et dictée par le mondialisme et des intérêts extra-territoriaux assumés par lui et l’action de son gouvernement. Sans prise de conscience et de décisions politiques précises, sans une fiscalité adaptée et imposée, pour nous rendre pro-actifs et réels challengeurs, la grandeur de la France sera effacée en quelques années.
Debout La France a vocation à exprimer des propositions alternatives, constructives et protectrices de nos compétences et activités françaises dans ces domaines en toute marge du seul groupe au pouvoir en France qui semble s’accaparer ce sujet, par défaut ou en toute dévolution. Il en va de notre indépendance et du maintien de notre niveau de vie français.
Lionel Mazurié
Délégué National au Numérique