Si l’observation de la vie politique nous apprend une chose, c’est que lorsqu’un gouvernement veut donner l’impression qu’il réforme, il annonce par exemple une réforme inutile des programmes scolaires. Le genre de mesure qui permet de s’agiter sans dépenser d’argent. Lorsque le gouvernement veut donner l’impression qu’il fait des réformes révolutionnaires, il annonce la modification de la Constitution.
Mais cette fois, les choses sont différentes. Le gouvernement Philippe annonce non pas une révolution, définie par le Larousse comme étant le « mouvement d’un objet autour d’un point central, d’un axe, le ramenant périodiquement au même point » et qui se traduirait ici par une énième réforme pour tout changer et qui ne change rien. Il annonce une véritable rupture dans la Vème République tant les sujets abordés sont importants voire graves.
Debout La France ne s’est jamais opposée à la réforme de nos institutions. Lors de la campagne présidentielle de 2017, Nicolas Dupont-Aignan a d’ailleurs été en pointe sur le sujet en faisant 17 propositions pour refonder la politique en France. Nicolas Dupont-Aignan a d’ailleurs défendu la volonté de réforme d’Emmanuel Macron il y a quelques jours contre le blocage organisé au Sénat sur certains privilèges réservés aux élus que les Français ne comprennent plus. Oui, nous sommes d’accord avec une réforme qui permettra de rénover réellement notre modèle démocratique. Et non, nous ne sommes pas prêts à tout accepter pour que le gouvernement limite en réalité la démocratie sans véritablement donner plus de pouvoir au peuple français.
L’un des points principaux qui opposera Debout La France au gouvernement sera l’inscription de la Corse dans la Constitution. Cette inscription d’une quelconque exception territoriale, en dehors bien sûr du cas des Outre-Mer et de la Nouvelle Calédonie inscrits aux Chapitres XII et XIII de notre Constitution, porte une atteinte au principe d’égalité de tous devant la loi et surtout au principe d’indivisibilité de la République. Ce principe fondateur, au cœur de l’Article Premier de la Constitution, est le plus vieux de notre Constitution. Déjà la première Constitution française, celle de 1791, déclarait que notre pays « était un et indivisible ». Et jamais il ne fut inscrit d’exception ni de dérogation à ce principe. Et nous n’allons pas commencer aujourd’hui pour satisfaire la volonté autonomiste de l’exécutif régional corse qui cherche à avoir une Corse indépendante contre l’avis des Corses eux-mêmes, mais sous financement et protection de toute la France. Ce serait la porte ouverte à toutes les revendications régionalistes telles que le statut de résident permanent, imposer la maîtrise de la langue corse pour être fonctionnaire. Imaginez la situation de désordre et d’atteinte aux droits de chacun si demain la République devait reconnaître tous les régionalismes. La question de l’indivisibilité de la République est non négociable.
Un second point sur lequel nous serons extrêmement vigilants, c’est l’offensive annoncée sur les pouvoirs du Parlement au nom de « l’efficacité du travail parlementaire ». Le gouvernement annonce vouloir réduire le pouvoir d’amendement pour pouvoir aller plus rapidement. Concrètement, il veut limiter le nombre d’amendement à la taille du groupe parlementaire. Ainsi la majorité disposerait de plus de la moitié du temps de parole, de plus de la moitié des questions au gouvernement, de plus de la moitié des amendements en plus du pouvoir illimité d’amendement du gouvernement. C’est une atteinte grave au respect des droits de l’opposition parlementaire. Le prétexte utilisé est d’ailleurs tout à fait fallacieux. Le gouvernement dispose de tous les moyens pour réduire le débat parlementaire comme la procédure accélérée, le recours à l’article 49-3 de la Constitution que l’on ne présente plus, l’article 44-3 ou « vote bloqué » (le fait de voter un texte avec les seuls amendements choisis par le gouvernement), le recours à la « réserve des votes » (qui permet au gouvernement de suspendre les votes) et bien sûr les ordonnances. De plus, le gouvernement gère le calendrier des séances et décide des délais de l’examen des lois. Autant dire qu’il dispose de tous les moyens pour limiter le temps parlementaire. Si le gouvernement veut améliorer le travail du Parlement et cesser que celui-ci croule sous un travail législatif colossal, il ferait mieux de prendre des dispositions contre l’inflation législative et de cesser de recourir à la loi pour chaque problème dans notre pays.
Sur d’autres points, toutefois, nous sommes prêts à nous mettre d’accord :
-Sur la réduction du nombre de parlementaires, Debout La France avait proposé de réduire à 400 le nombre de députés, à 200 le nombre de sénateurs.
-Sur la proportionnelle, nous avions proposé que 25% des députés soient élus à la proportionnelle. Le chiffre de 10% évoqué par le gouvernement est un gadget inadmissible. Par ailleurs, encore faut-il que l’exécutif ne mette pas en place la proportionnelle truquée des élections régionales avec un seuil pour accéder au second tour à 10% et une prime majoritaire de 25% des sièges à la liste arrivée en tête. Ou bien qu’il ne fasse pas comme aux élections européennes où il faut 5% des voix pour pouvoir être élu et où, dans les faits, il en fallait plus de 12% comme dans la circonscription Centre-Auvergne. Debout La France sera vigilant sur la mise en œuvre de cette proportionnelle véritablement ouverte et représentative.
-Sur la limitation à 3 mandats successifs pour les parlementaires et les exécutifs locaux de plus de 3.500 habitants, nous sommes prêts à travailler. La politique aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Les Français ont marqué leur volonté d’un renouvellement politique et de mettre fin aux carrières de gens qui restent en poste plusieurs décennies. A un moment, les élus doivent quitter la bulle des Palais Bourbon et Luxembourg pour retrouver le contact avec le pays réel. En revanche, il faut aussi prendre en compte que les élus, comme tout à chacun, ont besoin de temps pour se former à leur tâche et que face à la spécialisation de l’administration et des lobbies, une certaine expérience soit nécessaire. Au-delà de la simple réforme sur le cumul, il faut travailler à un vrai statut de l’élu et renforcer les moyens de les former.
-Sur le Conseil Economique, Social et Environnemental, Emmanuel Macron souhaite en diviser par deux les effectifs. Debout La France propose la suppression pure et simple de cette instance opaque, au fonctionnement flou avec une absence de contrôle du travail de ses membres aux rémunérations bien réelles. Supprimons le CESE et transférons son budget à l’Assemblée Nationale et au Sénat pour renforcer leurs moyens de contrôle et d’expertise.
-Sur la suppression de la Cour de Justice de la République ainsi que la fin de la présence des anciens Présidents au Conseil Constitutionnel, nous sommes tout à fait d’accord sur le fait qu’il faut mettre un terme à certains privilèges. Si être élu nécessite des moyens financiers et sécuritaires, ceux-ci doivent prendre fin avec la fin du mandat. Pour la justice réservée aux ministres et aux élus, nous rappelons qu’ils sont élus par la Nation et responsables devant la Nation. Ils ne sauraient bénéficier d’une justice autre que celle rendue au nom du peuple français.
-Sur la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature, il faudra travailler à la dépolitisation de la justice et à la responsabilisation des magistrats. Comme pour les élus, comme pour n’importe quelle profession, leur responsabilité personnelle doit pouvoir être engagée en cas de manquement grave. Nous considérons que le débat sur la justice demande une réforme à part pour ne pas tout mélanger et avoir une vraie réflexion de fond sur son fonctionnement.
Ainsi, Debout La France est prêt à la discussion sur l’ensemble de ces points, à accompagner cette réforme, mais avec des exigences et deux lignes rouge : la Corse et les pouvoirs du Parlement. Mais nous estimons qu’il faut aller plus loin et être plus ambitieux. On ne change pas la Constitution tous les quatre matins et on ne peut prétendre changer la politique française sans des réformes radicales. Si Emmanuel Macron veut une vraie rupture, qu’il impose –comme il l’avait promis- le casier judiciaire vierge pour être élu, qu’il reconnaisse le vote blanc à chaque élection et l’annulation du scrutin s’il est majoritaire avec interdiction aux candidats de se représenter au scrutin suivant, qu’il supprime le cumul des indemnités électorales plutôt que le cumul des mandats, qu’il instaure un vrai référendum d’initiative populaire avec un seuil à 500.000 signature.
Il doit aussi s’engager pleinement à recourir au référendum pour toute modification de la Constitution. Les médias et certains politiques nous parlent de passage au Congrès comme la voie normale de la modification et que le référendum est l’exception mais c’est faux ! L’article 89-2 de la Constitution dit que « la révision est définitive après avoir été approuvée par référendum » et le 89-3 fait du Congrès l’exception. L’essence gaullienne de la Constitution, l’essence d’une Constitution qui se veut fondée sur la Nation et sur le vote positif de 31 millions de français (82.6% des voix) en 1958 imposent de recourir au référendum. Là aussi, Emmanuel Macron pourrait aller plus loin en instaurant dans sa réforme le principe d’une véritable consultation nationale avant toute modification, où chaque citoyen pourrait faire acte de proposition pour renforcer notre démocratie.
Si le gouvernement veut réussir cette réforme, il ne doit pas la préparer dans le secret des couloirs de l’Elysée et de Matignon, il doit y associer chaque français. Monsieur le Président, la réforme oui ! Mais par le peuple !
Jean de Fouquières, Délégué National aux élections et Secrétaire départemental d’Indre-et-Loire
Alexandre Fernique, militant de l’Indre-et-Loire